L’éducation au Kurdistan : entre défis et espoirs
Entre écarts de programmes scolaires et infrastructures vieillissantes, le système éducatif kurde se trouve à un point d’inflexion. Les enseignant·e·s et les dirigeant·e·s syndicaux∙ales réclament des réformes urgentes visant à assurer un avenir meilleur aux élèves.
Le rôle de l’éducation dans le développement de l’identité nationale
Le président du Syndicat des enseignant·e·s du Kurdistan irakien (Kurdistan Teachers’ Union – KTU), Abdulwahed Muhammad Haje, souligne l’importance de l’éducation dans « la préservation de l’identité nationale et le développement du patriotisme. La responsabilité ne relève pas des enseignants et enseignantes qui, depuis toujours, traitent cette question avec sérieux en acceptant de grands sacrifices et en déployant des efforts considérables ».
Il ajoute que le fond du problème réside dans le programme scolaire et résulte « de révisions mises en œuvre trop tardivement après la mobilisation et d’améliorations progressives, faibles et trop limitées. Pour des matières telles que la langue kurde, l’anglais, l’histoire, la géographie, la sociologie et l’arabe, il existe encore de sévères lacunes ».
Les efforts et les travers du gouvernement
Bien que le gouvernement kurde se soit efforcé de promouvoir une société saine et une citoyenneté responsable au moyen d’initiatives, notamment des programmes de formation du personnel enseignant et un soutien financier occasionnel, le président du KTU insiste : « Après quarante années d’expérience dans l’enseignement, je peux affirmer que ces mesures n’ont jamais atteint le niveau nécessaire pour assurer une éducation de haute qualité ». Il souligne également que le manque de régularité des financements et les mauvais traitements à l’encontre des enseignant·e·s – qui ne donnent d’ailleurs lieu à aucune enquête officielle – constituent d’autres obstacles significatifs aux progrès éducatifs.
La nécessité de mener des réformes complètes
M. Haje en appelle dès lors à de vastes améliorations du programme scolaire, surtout dans les matières qui favorisent l’identité nationale, notamment la langue kurde et l’histoire. Il note : « Une attention particulière doit être accordée à la langue kurde et à l’histoire, car ces matières sont au cœur du développement de l’identité nationale. L’enseignement du kurde, en particulier, requiert de toute urgence des améliorations. » La scission de la langue kurde en deux dialectes et systèmes d’écriture sape le sentiment d’unité et d’identité des élèves, ce qui entraine parfois des tensions et des divisions, insiste-t-il.
Les effets d’une infrastructure inadaptée
Au Kurdistan, l’environnement scolaire soulève, lui aussi, de vives inquiétudes. Il explique que
« La majorité des écoles n’offre pas un environnement adapté en raison d’équipements dépassés, de locaux vétustes, de l’absence d’espaces verts et de plantes, d’un accès insuffisant à l’eau potable, d’une instabilité de l’alimentation électrique, d’un système de chauffage et de refroidissement inadaptés, et d’activités extrascolaires limitées. »
À ses yeux, ces manquements résultent majoritairement d’une enveloppe budgétaire insuffisante allouée par le gouvernement régional du Kurdistan.
Le dévouement d’un corps enseignant plongé dans les défis
Malgré ces difficultés, le personnel enseignant du Kurdistan reste dévoué, professionnellement et envers la nation. M. Haje reconnaît les efforts des enseignant·e·s, déclarant qu’il∙elle∙s « ont toujours montré leur dévouement à la fois envers l’enseignement et envers la nation. Toutefois, le plus souvent, ce personnel ne bénéficie pas d’un environnement favorable ou de formations professionnelles suffisantes. »
Le système éducatif du Kurdistan se trouve à la croisée des chemins, face à de nombreuses épreuves, mais aussi à des opportunités de réforme. L’engagement des enseignant·e·s, d’une part, et la mise en œuvre d’un programme scolaire complet et d’une amélioration des infrastructures, d’autre part, sont vitaux pour susciter un sentiment d’identité nationale. Comme M. Haje le souligne :
« La solution est claire : les enseignants et enseignantes doivent jouir d’un soutien et d’une estime suffisants pour pouvoir consacrer leur expertise, leurs efforts et leur engagement au service tant de leurs élèves que de leur nation. »