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Mondes de l'éducation

Voix de l’éducation | Campagne pour la recherche dans l’enseignement supérieur

Entretien avec David Robinson, directeur exécutif de l’Association canadienne des professeures et professeurs d'université

Publié 24 septembre 2025 Mis à jour 24 septembre 2025
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Ce témoignage a été recueilli dans le cadre du projet de recherche « Au cœur de la tourmente : l’enseignement supérieur dans un monde en crise », mené pour l’Internationale de l’Éducation par Howard Stevenson, Maria Antonietta Vega Castillo, Melanie Bhend et Vasiliki-Eleni Selechopoulou. Le rapport de recherche et la synthèse de ce dernier sont disponibles ici.

Mondes de l'Éducation − Comment votre syndicat opère-t-il dans le secteur de l’enseignement supérieur au Canada ?

L’Association canadienne des professeures et professeurs d'université (ACPPU) est une fédération qui représente les syndicats du secteur de l’enseignement supérieur au Canada. En général, les syndicats négocient directement avec les établissements plutôt qu’avec les autorités gouvernementales fédérales ou provinciales. Mais, dans la mesure où ce secteur compte un taux de syndicalisation de 90 %, cela nous a permis de négocier un grand nombre de conventions collectives ambitieuses visant à régir les conditions de travail et d’emploi habituelles telles que les salaires et les avantages sociaux, mais aussi plusieurs questions professionnelles telles que la liberté académique. En négociant des accords solides, l’ACPPU est parvenue à obtenir une diminution du nombre de contrats précaires à des niveaux plus acceptables que dans bon nombre de systèmes d’enseignement supérieur d’autres pays, même si la situation peut encore être améliorée.

Mondes de l'Éducation − Au cours de ces dernières années, votre syndicat s’est mobilisé pour défendre la recherche au sein de l’enseignement supérieur. Pourquoi s’est-il intéressé à cette question en particulier et quels moyens a-t-il mis en œuvre?

L’ACPPU a mené une campagne publique hautement médiatisée pour défendre la recherche au sein de l’enseignement supérieur, afin de rappeler qu’il s’agit d’un investissement important apportant des avantages sociaux substantiels, mais aussi pour sensibiliser à la question de la liberté académique.

Bien que les établissements d’enseignement supérieur relèvent principalement de la responsabilité des provinces, le financement de la recherche reste une compétence fédérale assurée par le gouvernement national. De 2006 à 2015, le gouvernement conservateur de Stephen Harper a adopté une position « anti-science », au travers de laquelle il a, en particulier, suspendu le financement de la recherche fondamentale, estimant que seule la recherche ayant des retombées économiques immédiates méritait d’être financée.

Nous étions face à un défi de taille, dans la mesure où nous devions faire en sorte que la recherche, une question largement ignorée du grand public, devienne un enjeu politique dans la sphère publique. Notre approche a été de mener une campagne de sensibilisation mettant en avant la dimension publique de la recherche et l’importance de confier aux scientifiques et universitaires, et non pas aux gouvernements, la responsabilité de déterminer les priorités en matière de recherche.

Dans le cadre de cette campagne, des réunions publiques ont été organisées dans des lieux stratégiques, au cours desquelles des chercheurs et chercheuses ont discuté de leur travail et de ses avantages potentiels, en établissant une corrélation entre les retombées au niveau local et les avantages sociétaux plus larges. Nous souhaitions créer un véritable lien avec les communautés locales, mais aussi avec notre économie nationale et la société. Nous avons levé les barrières entre la communauté citoyenne et le monde universitaire, en montrant aux gens en quoi le travail de recherche les concerne directement.

Mondes de l'Éducation − Quels ont été les résultats de votre campagne ?

Avec le temps, la campagne a porté ses fruits, le gouvernement libéral ayant réalisé des investissements historiques dans la recherche fondamentale. La campagne a été une victoire importante, mais nous restons sur nos gardes. Par exemple, malgré le fait que la recherche universitaire soit une responsabilité fédérale, le gouvernement provincial de l’Alberta a récemment tenté d’intervenir dans la sélection des recherches à financer dans les universités de la province.

Ceci illustre le risque croissant de voir les gouvernements nationaux et régionaux tenter de contrôler les activités de recherche. Nous continuerons à affirmer que la recherche doit être conditionnée par la pertinence scientifique et non par l’opportunisme politique. Nous restons mobilisé·es et alertes.

Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.