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France : les syndicats de l’enseignement insistent sur des garanties pour la santé des étudiant∙e∙s et des éducateur∙trice∙s pour la réouverture des établissements d’éducation

Publié 15 mai 2020 Mis à jour 9 juin 2021

Les éducateur∙trice∙s français∙es ont réagi à l’annonce par le gouvernement du déconfinement et de la réouverture des établissements scolaires à partir du 11 mai, et demandent aux autorités publiques l’assurance d’une reprise des cours en présentiel en toute sécurité sanitaire pour éviter une propagation du COVID-19 parmi les étudiant∙e∙s et les enseignant∙e∙s.

SNES-FSU : agir collectivement pour imposer des garanties sanitaires

Benoît Teste, secrétaire général de la Fédération syndicale unitaire (FSU), et Frédérique Rolet, secrétaire générale et porte-parole du Syndicat national des enseignements de second degré (SNES-FSU) ont fait savoir que :

  • Le protocole sanitaire pour la réouverture des collèges et lycées devrait être un document solide et complet, avec des demandes claires afin de garantir un enseignement et un apprentissage en toute sécurité pour tou∙te∙s. (Il existe aussi un protocole sanitaire pour la réouverture des écoles.)
  • Les syndicats de l’enseignement craignent qu’il ne puisse y avoir plusieurs interprétations différentes de ce document au niveau local, amenant une grande confusion et rendant les parents, les enseignant∙e∙s et tous les personnels de l’éducation pour le moins anxieux∙euses et réticent∙e∙s à retourner dans les établissements d’enseignement. De plus les chef∙fe∙s d’établissement ne sont pas prêt∙e∙s ni volontaires pour porter toute la charge et responsabilité d’assurer la sécurité face au coronavirus.
  • Le Premier ministre Édouard Philippe a annoncé un échelonnement de la réouverture des écoles et établissements d’éducation, une décision politique avant d’être une décision sanitaire. En effet, rien n’a été dit sur la fourniture de masques, de gel hydroalcoolique ou encore le transport des étudiant∙e∙s.

Dans son éditorial du 25 avril intitulé ‘Cavalier seul’, Rolet avait déjà souligné que « l’élaboration des conditions d’une éventuelle reprise doit répondre prioritairement aux exigences de sécurité sanitaire, respecter l’expertise pédagogique des personnels et leur temps de travail ».

Elle avait aussi regretté que la date choisie du 11 mai choisie par le Président Emmanuel Macron pour le déconfinement et la réouverture des écoles « revêtait un aspect purement virtuel et obéissait à des objectifs de communication », et que le gouvernement avait « été appelé à la rescousse pour tenter de donner corps aux propos » du Président.

Elle avait de même regretté l’absence de concertation du ministre de l’Éducation avec les syndicats, les fédérations de parents d’élèves, les organisations lycéennes et les collectivités territoriales pour élaborer le plan de réouverture des établissements d’éducation présenté en moins d’une semaine.

Le SNES-FSU a aussi clairement indiqué qu’il « a toujours placé l’impératif de santé et de sécurité comme exigence première et comme préalable à tout retour dans les établissements : quelle que soit la date (18 mai, 25 mai, début juin, etc.), aucune réouverture n’est envisageable si les conditions sanitaires garantissant la santé et la sécurité des personnels et des élèves ne sont pas réunies. La santé des uns et des autres passe avant tout. »

Il a ainsi publié un mémo de 19 pages en direction de ses membres sur les mesures à suivre pour assurer la santé et la sécurité au travail. Le syndicat leur recommande notamment : « Ne vous laissez pas imposer des conditions de reprise en présentiel qui vous mettent en danger. Vous êtes, nous sommes, les professionnels du service public de l’Éducation Nationale. Nous connaissons nos établissements, nous savons ce que signifie concrètement y exercer tous les jours. Agissons ensemble pour imposer nos conditions de réouverture pour notre santé et notre sécurité, ainsi que celle de nos élèves.»

SNUipp-FSU : un personnel enseignant peu soutenu par les autorités publiques et inquiet d’une reprise mal préparée

Les résultats d’une enquête Harris Interactive commandée par le Syndicat national unitaire des instituteurs, professeurs des écoles et PEGC (SNUipp-FSU), publiés le 10 mai, ont par ailleurs confirmé l’analyse et les exigences développées par le syndicat depuis le début de la période de confinement. Ils mettent en lumière le rôle essentiel des enseignant∙e∙s du primaire durant cette période et le fait qu’il∙elle∙s sont très loin d’avoir bénéficié des moyens et du soutien nécessaires de la part du ministère. Plus des trois quarts d’entre eux∙elles considèrent difficile d’exercer leur métier durant le confinement. Il∙Elle∙s n’ont pu compter que sur eux∙elles-mêmes et sur leurs collègues. Plus du tiers d’entre eux∙elles déclarent n’avoir eu aucune relation avec l’institution, tandis que près de trois sur quatre n’ont pu disposer d’outils institutionnels facilitant le travail.

L'enquête montre aussi une très forte inquiétude, partagée par les parents, sur la reprise prématurée et mal préparée des écoles à partir du 11 mai. C’est pourquoi le SNUipp-FSU a demandé au ministère d’y répondre.

Le syndicat explique qu’ « à l'origine de cette inquiétude, on retrouve pêle-mêle le risque d’être à l’origine d’une seconde vague épidémique, la grande difficulté à faire appliquer les gestes barrières avec de jeunes enfants notamment en maternelle, le brassage d’adultes avec de nombreuses rencontres quotidiennes, ou encore la perspective d’une école réduite à une mise en application du protocole sanitaire sans jeux ni interactions, ou encore les écoles en « zone rouge » (les plus touchées par la pandémie de COVID-19 en France) sans traitement spécifique. »

Pour lui, « le ministère doit prendre en compte cette inquiétude et s’interdire toute pression sur les personnels », et « la réouverture des écoles ne peut se faire à n’importe quel prix. »

UNSA-Education : réussir le déconfinement avec les propositions du Pacte de pouvoir de vivre

L’Union nationale des syndicats autonomes–Éducation (UNSA–Éducation) a de son côté insisté sur le fait qu’ « à partir du 11 mai, la France s’engage par étapes dans une phase de ‘déconfinement’. Cette période qui s’ouvre est légitimement marquée par les inquiétudes, mais elle doit être également l’occasion d’entrevoir la période d’après crise. »

C’est pourquoi il considère les « 15 mesures indispensables pour la fin du confinement » établies par le Pacte du pouvoir de vivre sont une étape importante pour envisager l’avenir.

Le Pacte du pouvoir de vivre regroupe des associations de défense de l’environnement, des syndicats, des mutuelles ou bien encore des associations d’éducation populaire et de lutte contre la pauvreté ou l’exclusion. L’UNSA-Éducation, à travers sa confédération l’UNSA, a été parmi les premiers signataires de ce pacte qui a élaboré une série de 66 propositions au sujet des questions sociales et environnementales pour donner à chacun∙e « le pouvoir de vivre ».

Pour aider à la réussite du déconfinement, les organisations signataires ont proposé 15 mesures à mettre en place, en ciblant plus particulièrement la lutte contre les inégalités et l’exclusion, la préservation de l’environnement, mais aussi des mesures en lien avec l’éducation et la protection des plus jeunes. Certaines mesures sont directement applicables, d’autres se projettent dans une perspective un peu plus lointaine, mais toutes donnent à voir à la fois ce que doit être le monde de l’après crise et quels sont les enjeux que nous devons collectivement abordés.

Le 29 avril, l’UNSA-Éducation a lui aussi reconnu que le plan de réouverture des écoles rendait « impossible une reprise sereine le 11 mai », et que « c’est avec une grande exigence que nous examinerons le protocole sanitaire, que le Ministre vient d’annoncer pour la fin de la semaine. Nous continuons d’exiger que le retour des élèves et des personnels soit progressif, partiel et surtout qu’il n’ait lieu que si les conditions sanitaires clairement définies seront garanties. »

Il a estimé que « clarifier les objectifs pour faire baisser la pression est une nécessité », « qu’il faut prendre en compte l’ensemble des personnels dans cette crise et le respect de règles sanitaires protectrices », et que « pour réussir cette réouverture, il faut laisser du temps aux équipes, il faut de la clarté et de la confiance, aussi bien pour les écoles que pour les collèges et les lycées ».

Le 8 mai, l’UNSA-Éducation a de plus relayé la publication par le conseil scientifique de l’Éducation nationale (CSEN) de ses « Recommandations pour accompagner le confinement et sa sortie ».

Les propositions du CSEN ont été établies à partir d’un constat : beaucoup d’élèves ont décroché du fait d’un manque d’autonomie et d’un déficit d’éducation numérique

Pour accompagner les enseignants et les autorités éducatives tout au long d’un déconfinement qui risque de se prolonger, le CSEN a présenté cinq grandes recommandations :

  • Aider les élèves à comprendre et prévenir l’épidémie.
  • Privilégier les pratiques pédagogiques qui favorisent l’apprentissage en autonomie.
  • Rechercher l’appui des ressources numériques.
  • Assurer les fondamentaux : nutrition, activité physique, sommeil, bienveillance.
  • Préparer « le jour d’après ».

L’Internationale de l’Éducation a publié ses directives pour la réouverture des écoles et des établissements scolaires, disponibles ici.