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Photo by Emmanuel Ikwuegbu on Unsplash
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Nouvelle étude : l’austérité imposée par le FMI exclut trois millions de travailleur·euse·s de première ligne des systèmes d’éducation et de santé les plus fragiles du monde

Publié 12 octobre 2021 Mis à jour 19 octobre 2021

Une nouvelle étude publiée par ActionAid, l’Internationale des services publics et l’Internationale de l’Éducation avertit que les conditions imposées par le Fonds monétaire international (FMI) visant à réduire les coûts salariaux du secteur public compromettent les progrès en matière de santé et d’éducation.

La réduction des dépenses publiques conseillée par le FMI dans les pays du Sud a amputé la masse salariale du secteur public de près de dix milliards de dollars américains dans 15 pays : Bangladesh, Brésil, Ghana, Kenya, Liberia, Malawi, Népal, Nigeria, Sénégal, Sierra Leone, Tanzanie, Ouganda, Vietnam, Zambie et Zimbabwe. Cela équivaut à la suppression de plus de trois millions d’emplois essentiels, notamment dans l’enseignement et les services de santé, malgré le besoin accru de ces professionnel·le·s pendant la pandémie.

David Edwards, secrétaire général de l’Internationale de l’Éducation, a déclaré : « Les coupes dans la masse salariale de la fonction publique ont un effet dévastateur sur le secteur de l’éducation. En effet, lorsque la masse salariale des enseignants et enseignantes est réduite, le droit des élèves à une éducation de qualité est compromis, d’une part en raison de la pénurie que cela entraîne en termes d’enseignants qualifiés et, d’autre part, en raison du nombre trop élevé d’élèves par classe. Compte tenu de la pénurie mondiale d’enseignants et enseignantes et de l’augmentation du taux de départs résultant de la pandémie, le FMI devrait aider les pays à revenu faible et moyen inférieur à recruter et à retenir un plus grand nombre d’enseignants et enseignantes qualifiés et compétents, plutôt que de les inciter à réduire les dépenses consacrées à ces travailleurs et travailleuses qui sont si importants pour la reprise postpandémique des pays. Les enseignants et enseignantes sont indispensables à une éducation de qualité et à la réalisation de l’objectif mondial d’une éducation inclusive pour tous et toutes. »

Le public contre l’austérité

Alors que les ministres des Finances du G20 se réunissent aujourd’hui (12 octobre) à l’occasion des réunions annuelles du FMI, l’étude révèle que contrairement aux affirmations du FMI selon lesquelles l’endiguement de la masse salariale est une mesure temporaire, il a été conseillé aux 15 pays analysés de réduire ou de geler la masse salariale du secteur public pendant trois ans ou plus, et pour la plupart pendant au moins cinq ans.

Le rapport intitulé Le public contre l'austérité montre comment la réduction des budgets affectés à la rémunération des salarié·e·s du secteur public compromet les progrès en matière de santé, d’éducation et d’égalité femmes-hommes, tout en sapant l’efficacité des réponses à la COVID-19 ainsi que les transformations requises pour faire face à la crise climatique.

« Les coupes dans la masse salariale de la fonction publique ont un effet dévastateur sur le secteur de l’éducation. En effet, lorsque la masse salariale des enseignants et enseignantes est réduite, le droit des élèves à une éducation de qualité est compromis, d’une part en raison de la pénurie que cela entraîne en termes d’enseignants qualifiés et, d’autre part, en raison du nombre trop élevé d’élèves par classe. »

David Edwards, secrétaire général de l'Internationale de l’Éducation

Un examen des documents du FMI, notamment des rapports au titre de l’article IV qui énoncent des conseils politiques ayant une incidence à long terme sur l’économie des pays concernés, révèle également comment les données sont utilisées à mauvais escient au niveau national pour réduire le financement de l’emploi public. L’étude montre notamment que les coupes budgétaires préconisées par le FMI visent indistinctement des pays présentant des écarts abyssaux en termes de budgets affectés aux salaires du secteur public (exprimés en pourcentage du PIB), comme par exemple le Zimbabwe (17 % du PIB) ou le Nigeria (1,8 % du PIB), pour ne citer qu’eux. Malgré ces différences marquées, les conseils du FMI visent invariablement à réduire les dépenses.

Sur 69 documents du FMI examinés, seul celui concernant le Liberia renfermait des calculs relatifs aux pénuries de personnel dans les secteurs de l’éducation et de la santé, alors que ces informations sont d’une importance cruciale pour déterminer les niveaux de financement de l’emploi public.

Selon le rapport au titre de l’article IV, le Liberia affiche un ratio de cinq professionnel·le·s de la santé pour 10.000 habitants, alors que l’objectif de l’Organisation mondiale de la santé est de 41. Et, quand bien même le besoin d’un plus grand nombre de travailleur·euse·s du service public dans un large éventail de secteurs s’avère manifeste, il a néanmoins été conseillé au Liberia de réduire de 1,1 point de pourcentage la masse salariale du secteur public.

Ce rapport paraît quelques semaines seulement après que la Banque mondiale a mis au rancart son rapport annuel Doing Business, à la suite de pressions émanant de la société civile et d’une enquête accablante, qui a révélé d’importants biais internes et une manipulation des données.

Cette nouvelle étude souligne, par ailleurs, la nécessité d’une réforme, tant au niveau du FMI que de la Banque mondiale, vers une nouvelle orientation politique qui revalorise le rôle de l’emploi et des services publics dans la promotion du développement et de la croissance.

Témoignages des premières lignes

Les enseignant·e·s et les membres du personnel médical et infirmier des pays participant à l’étude ont livré des témoignages accablants sur la précarité des systèmes de santé et d’éducation, acculés au plus fort de la pandémie de COVID-19 par la pénurie de personnel qualifié.

Au Zimbabwe, le salaire des enseignants (environ 28.666 dollars zimbabwéens ou 335 dollars américains par mois) est inférieur au seuil de pauvreté relatif à la consommation totale, c’est-à-dire le montant dont une famille de cinq personnes a besoin chaque mois pour acheter suffisamment de nourriture et de produits non alimentaires.

Témoignage de Farai*, une enseignante du Zimbabwe : « Nos salaires sont comme des salaires d’esclaves, nos enseignants et enseignantes sont confrontés à des difficultés incommensurables. Nous souffrons de stress et les enseignants et enseignantes qui subsistent ont le sentiment d’être devenus des mendiants et mendiantes. Notre moral est au plus bas.

Nous sommes devenus la risée de la société, nous vivons au jour le jour. Nous allons travailler vêtus de haillons, et nous vivons dans des conditions misérables. J’ai entendu dire que des ménages se séparaient. Mais en dépit de tout, nous répondons toujours présent. »

Des politiques d’austérité défaillantes, telles que la réduction de la masse salariale, mettent en évidence à quel point le FMI a sapé les services publics et empêché les pays de répondre à des crises plurielles, telles que la crise du changement climatique et la pandémie de COVID-19.

Dans les quinze pays étudiés, une augmentation d’un point de pourcentage seulement de la part du PIB consacrée à la masse salariale du secteur public permettrait de recruter huit millions d’enseignant·e·s, médecins, infirmier·ère·s et autres travailleur·euse·s essentiel·le·s supplémentaires.

*Les noms des médecins, infirmier·ère·s, enseignant·e·s et autres travailleur·euse·s du secteur public cités dans l’étude ont été modifiés afin de protéger leur identité.

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