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Mondes de l'éducation

L’expérience en matière de droits d’auteur de l’Université du Pacifique Sud : une perspective syndicale

Publié 24 novembre 2022 Mis à jour 24 novembre 2022
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La législation n’est pas seulement destinée à protéger, mais aussi à apporter l’équité. Et la législation sur les droits d’auteur n’est pas censée être différente. Cependant, la réalité sur le terrain dans un pays en développement comme les Fidji n’a fait que renforcer l’inégalité de l’accès et, plus important encore, de l’utilisation de l’information pour l’apprentissage, l’enseignement et la recherche pour les bibliothèques et les institutions éducatives. La pandémie a exacerbé la situation !

L’entrée et la progression dans le monde de l’enseignement supérieur « supposent » un certain niveau de compréhension des questions de propriété intellectuelle (PI) et, en l’occurrence, en particulier des droits d’auteur.

En ma qualité et mon expérience de bibliothécaire à l’Université du Pacifique Sud (USP), cette hypothèse est erronée et même dangereuse, étant donné les implications du non-respect de la législation nationale et internationale sur les droits d’auteur. En comparaison avec le système éducatif australien, où les droits d’auteur et les références sont introduits au milieu de l’école primaire, comme je l’ai observé lors de la visite de ma nièce de huit ans, il y a une vingtaine d’années, qui avait apporté avec elle un travail scolaire sur cette question, j’observe généralement aux Fidji et dans la région que les références à la propriété intellectuelle et aux droits d’auteur dans les écoles primaires et secondaires sont inexistantes ou minimes et dépendent largement de l’initiative de l’enseignant·e, plutôt que du programme scolaire.

Une législation sur les droits d’auteur obsolète et inadaptée à l’éducation fidjienne

Le gouvernement fidjien se concentre sur l’accès technologique pour la nation, mais il n’accorde pas la même importance à l’utilisation de l’information dans le cadre d’une approche générale du droit à l’information. En fait, par rapport à d’autres pays dans le monde, les Fidji ont l’une des lois les plus obsolètes et les plus restrictives où les activités d’enseignement de base, telles que la diffusion d’une vidéo YouTube dans un cours en ligne ou la publication d’un article sur une plateforme universitaire, sont illégales. Dans de tels cas, les enseignant·e·s doivent soit renoncer à l’utilisation d’informations, privant ainsi les étudiant·e·s de connaissances, soit ignorer la législation sur les droits d’auteur, s’exposant ainsi à d’éventuelles conséquences juridiques.

La loi fidjienne sur les droits d’auteur (1999) est le fruit du travail de la commission de réforme législative fidjienne, élaboré en consultation et en collaboration avec les établissements d’enseignement supérieur nationaux et régionaux des Fidji, les archives nationales et le musée fidjien, le ministère de l’Éducation et d’autres ministères et ONG concernés, sous la direction de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI).

J’ai observé que l’intention était excellente et les consultations solides, mais que trop peu de suggestions des parties prenantes d’intérêt public, telles que les syndicats de l’enseignement, ont été prises en considération dans la législation finale. Je ne pense pas que le résultat ait réellement abordé la dépendance des Fidji vis-à-vis des œuvres publiées à l’extérieur, ni offert des solutions à la pénurie d’écrits et de publications par des auteur·e·s locaux·ales, ni contribué à surmonter le manque de compréhension des droits d’auteur en soi. Il s’agissait plutôt d’une approche de type « taille unique », qui encourageait les intérêts commerciaux plutôt que les intérêts publics en matière d’accès à l’information et qui favorisait les nations développées où la « capacité de payer » pour l’information dépassait largement les capacités du gouvernement fidjien et des institutions éducatives de la période post-coloniale.

Les solutions proposées dans le domaine de l’éducation se concentraient sur le droit de « demander une exemption » des restrictions des droits d’auteur pour l’utilisation de matériel pour l’enseignement et la recherche. Pour les enseignant·e·s et les conférencier·e·s qui étaient déjà pressé·e·s par le travail, le temps et l’argent, ce n’était pas une solution. En période de pandémie, c’était certainement un défi. Heureusement pour l’USP, l’apprentissage et l’enseignement en ligne sont devenus la norme. Néanmoins, l’enseignement entièrement en ligne pendant la pandémie était stressant et le fait de le faire sans avoir la sécurité légale de pouvoir utiliser les matériaux pour l’enseignement a augmenté le stress des enseignant·e·s.

Les discussions sur le droit d’auteur ont porté sur la protection des savoirs traditionnels (ST), ce qui a donné lieu à une législation sui generis sur les ST, ce qui est positif.

Les défis auxquels sont confrontées les communautés éducatives fidjiennes doivent être abordés

L’USP a joué un rôle de premier plan dans la sensibilisation à la propriété intellectuelle et aux droits d’auteur, avec la bibliothèque et les sites web du Centre for Flexible Learning qui informent la communauté universitaire sur la manière de travailler et de gérer les droits d’auteur, mais son approche vise davantage à protéger les membres du personnel, les étudiant·e·s et l’université.

Les réactions des usager·ère·s des bibliothèques à l’affranchissement des droits d’auteur sont soit «  Oui, je suis d’accord et je comprends et je suivrai la procédure normale pour obtenir l’affranchissement », soit «  C’est trop compliqué, je vais chercher autre chose ». Dans la deuxième réponse, le souci est celui de la qualité.

Lors des consultations avec l’OMPI dans les années 1990, des demandes ont été faites pour obtenir des considérations spéciales en tant que pays en développement, mais cela n’a pas abouti. Il s’agissait toujours de « chercher une autorisation spéciale ». Nous demandions une plus grande flexibilité pour tous les niveaux d’éducation, mais cela n’a pas été le cas.

Les défis que pose l’utilisation de l’information par les enseignant·e·s réaffirment la nécessité de cadres juridiques nationaux et internationaux qui reconnaissent que le terrain de jeu des créateur·trice·s de travaux universitaires n’est pas égal. Pour parvenir à plus d’égalité, il faut une évaluation réaliste des besoins de l’éducation dans des régions telles que le Pacifique Bleu pour une utilisation dans une perspective de développement sans la domination des aspects économiques et commerciaux, aussi difficile que cela puisse être.

Le rôle crucial des syndicats

L’importance du rôle des syndicats d’enseignant·e·s ne peut être sous-estimée, étant donné le nombre important de leurs membres et leur expertise en matière d’enseignement et de recherche. La recherche fondée sur des preuves est le meilleur moyen de convaincre les organisations internationales concernées et l’Association du personnel de l’USP (AUSPS) est bien placée pour faire la différence dans le secteur de l’éducation et au-delà.

Le personnel de l’AUSPS est impliqué dans un projet de recherche qualitative financé par l’IE et dirigé par l’Université de Waikato intitulé « Access and use of teaching materials from a copyright perspective in Fiji and the Philippines » (L’accès et l’utilisation du matériel pédagogique du point de vue des droits d’auteur à Fidji et aux Philippines). L’objectif de cette étude est d’apporter le point de vue des enseignant·e·s sur la question des droits d’auteur dans l’espoir d’aboutir à une réforme. Les syndicats d’établissements d’enseignement sont bien placés pour soutenir ce projet et les groupes de discussion sélectionnés seront des participant·e·s d’établissements de la petite enfance, du primaire, du secondaire et du supérieur.

L’association du personnel de l’USP a discuté de cette question lors de la 9e conférence régionale Asie-Pacifique de l’Internationale de l’Éducation, le mois dernier. Nous demanderons une révision de la loi sur les droits d’auteur de Fidji (1999) par la Commission de réforme législative de Fidji lors des réunions du Conseil des éducateur·trice·s du Pacifique après les élections nationales de 2022 et nous soutiendrons les efforts de l’Internationale de l’Éducation et de la Coalition pour l’accès au savoir récemment lancée pour promouvoir des réformes internationales à l’OMPI qui favorisent l’équité et la qualité de l’enseignement.

Ce n’est que par l’action que les syndicats peuvent faire la différence pour un accès et une utilisation équitables de l’information.

Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.