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Mondes de l'éducation

Young Sami woman in front of traditional tent
Young Sami woman in front of traditional tent

Vérité et réconciliation : la responsabilité de l’éducation et des personnels enseignants envers les peuples samis, kvènes et skogfinns de Norvège

Publié 8 août 2023 Mis à jour 1 août 2023
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En 2018, le Parlement norvégien a créé la Commission « Vérité et réconciliation », chargée d’examiner les politiques et activités historiques vis-à-vis des peuples autochtones, ainsi que les tentatives d’assimilation. Le 1er juin 2023, au terme de cinq années de travail, cette commission a présenté un rapport (en norvégien) basé sur des entretiens avec plus de 700 personnes, montrant très clairement que les blessures ne sont toujours pas cicatrisées.

À travers leurs témoignages, les personnes interrogées, à titre personnel ou en petits groupes, ont fait part de leurs sentiments et expériences face à la politique de « norvégianisation » et à l’injustice qui en a résulté. Les problématiques les plus fréquemment liées à la norvégianisation sont la langue, la discrimination, la scolarisation et l’identité. Le système scolaire norvégien a, hélas, joué un rôle important dans les tentatives de l’État d’assimiler les peuples Samis et d’autres minorités nationales telles que les Kvènes et les Skogfinns (Finlandais·es des forêts).

À l’occasion d’une audition du Parlement et d’une conférence sur l’éducation organisée par le Parlement sami, l’ Union of Education Norway a exprimé ses préoccupations concernant cet épisode douloureux de l’histoire et a souligné la nécessité de se tourner vers l’avenir, de réparer ce qui peut l’être et, plus important encore, de faire en sorte que cela ne se reproduise plus jamais.

C’est en ces termes que Steffen Handal, président de l’ Union of Education Norway, a entamé son discours au Parlement en mars dernier :

« Il est indéniable que l’école, administrée à la fois par les autorités publiques et politiques, a contribué à la norvégianisation du peuple sami. Pendant plus de 130 ans, notre syndicat a affilié un grand nombre d’enseignantes et enseignants qui ont formé plusieurs générations de jeunes samies et samis, kvènes et skogfinns. Nous devons donc reconnaître notre responsabilité dans ces atteintes à leur identité et à leur compréhension de soi. Il n’est pas très agréable d’aborder cette question.

Nous savons aujourd’hui que le fait d’avoir négligé la langue samie dans les écoles et que l’absence de formation linguistique et la répression des peuples samis durant la période de norvégianisation ont eu des répercussions négatives sur leur culture et la perception que ce peuple a de lui-même.

Les enseignantes et enseignants ont travaillé pour et non contre l’abandon de la langue, de l’identité et du mode de vie des élèves sami·e·s et kvènes, afin de les assimiler autant que possible aux élèves « de souche norvégienne ». Conséquence, ces familles ont abandonné leur appartenance culturelle pour devenir membres à part entière de la société norvégienne.

À vrai dire, j’aurais préféré que, dans un tel contexte, l’histoire des enseignantes et enseignants soit complètement différente. »

Mi-juin, le Parlement sami a invité l’UEN à participer à une conférence organisée dans le nord de la Norvège pour discuter de la situation actuelle des écoles et de l’éducation samies. Une chose est certaine : il manque toujours des personnels enseignants samis et les élèves sami·e·s ne se voient toujours pas offrir la formation culturelle et linguistique qui leur est reconnue comme droit en vertu de la Constitution norvégienne et de la Convention relative aux droits de l’enfant (article 29). Thom Jambak, membre du conseil de direction de l’UEN a déclaré :

« Les statistiques nous indiquent qu’un·e enfant sur trois abandonne l’enseignement sami à l’école, si bien que le norvégien devient la langue principale. C’est alarmant. Le gouvernement ne peut pas rester les ‘bras croisés’ et espérer un avenir meilleur. Il faut une action politique. L’éducation samie doit être un droit à part entière et faire partie intégrante de l’éducation de chaque enfant sami·e, quel que soit le nombre d’autres enfants de la municipalité qui prétendent à la même éducation.

L’école reste un lieu central pour la mise en œuvre de politiques en faveur des Sami·e·s. Un grand nombre d’éléments nous indiquent que les directives prescrites dans les conventions internationales ne sont pas appliquées dans les écoles norvégiennes. Les manuels scolaires, les programmes d’études et les méthodes pédagogiques ne garantissent en rien un enseignement égalitaire pour les élèves sami·e·s. Raison pour laquelle il est plus qu’urgent que les autorités nationales assument davantage leurs responsabilités concernant les droits des élèves sami·e·s et que ces droits soient inscrits dans la législation. »

Afin de renforcer les droits des enfants et élèves sami·e·s, l’UEN propose, entre autres, les initiatives suivantes :

  • Droit individuel de s’inscrire dans un jardin d’enfants ou un établissement de langue samie.
  • Droit statutaire à un encadrement pédagogique dans les trois langues samies.
  • Droit à la formation dans un environnement de langue samie.
  • Inclusion de la langue samie dans les programmes de formation du personnel enseignant norvégien.
  • Programme de bourses de doctorat en langue et culture samies.

Le 30 août 2023, le comité consultatif sami du syndicat organisera le séminaire « Norvégianisation et réconciliation dans l’éducation de la petite enfance et les établissements scolaires »(en norvégien). Ce séminaire fera le point sur la situation actuelle et les perspectives pour l’avenir. Dans quelle mesure les droits des enfants sami·e·s sont-ils protégés dans les écoles et les établissements d’éducation de la petite enfance (par exemple, en ce qui concerne l’enseignement et les outils pédagogiques en langue samie) ? Est-ce que l’ensemble des enfants des écoles et des établissements d’éducation de la petite enfance apprennent les langues, l’histoire et la culture samies conformément au Plan-cadre relatif au contenu et aux tâches des écoles maternelles et aux programmes d’études des écoles ? Que faut-il faire pour préserver ces droits et ces objectifs d’apprentissage ?

L’UEN insiste sur le fait que, dans la mesure où les écoles ont été le terrain de la norvégianisation, elles doivent également devenir des lieux de réparation. Pour l’ Union of Education Norway, il importe de contribuer à faire de l’école un espace de revitalisation de la langue des peuples autochtones et du mode de vie et des traditions du peuple sami.

Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.