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KTU members at the gate of the National Parliament on Dec. 3rd, 2024.
KTU members at the gate of the National Parliament on Dec. 3rd, 2024.

De la Corée du Sud à l’Uruguay, au Togo et aux États-Unis : les communications en ligne et hors ligne sont le moteur des campagnes syndicales

Publié 19 mai 2025 Mis à jour 21 mai 2025

Le rôle du personnel enseignant dans l’arrêt du coup d’État imminent en Corée du Sud, la stratégie en ligne du corps enseignant pour s’organiser aux États-Unis et la manière dont l’Uruguay a utilisé la campagne La force du public : ensemble on fait école ! pour réussir à mobiliser ses troupes pendant une élection présidentielle sont quelques-uns des thèmes abordés au cours de la dernière réunion du Réseau des communicant∙e∙s (ComNet) de l’Internationale de l’Éducation.

Ce réseau, qui réunit les responsables de la communication des organisations membres de l’IE, a également discuté des problèmes que pose l’intelligence artificielle, de la manière dont les syndicats concluent des alliances ainsi que de l’importance et du rôle de l’organisation en ligne pour impliquer et mobiliser les membres.

L’intelligence artificielle ne peut pas remplacer les enseignant·e·s

Le secrétaire général de l’IE, David Edwards, a abordé certains des défis posés par l’Intelligence artificielle (IA) dans l’éducation, mais aussi pour les communicateurs dans un monde de saturation médiatique, de désinformation et d’entreprises technologiques contrôlées par des milliardaires.

« L’IA a été présentée comme la panacée, le célèbre enseignant d’IA, le chatbot », a-t-il déclaré, en soulignant que « l’un des défis que nous devons relever alors que nous tentons de parler de l’avenir de l’éducation, avec des personnes qui ne font pas nécessairement partie de notre mouvement ou avec des éducateurs et éducatrices et des parents, est cet élément d’humanité et le fait que l’éducation est une relation, la relation entre un élève et un enseignant ou une enseignante qui se soucie réellement des élèves, en demandant s’ils ont pris leur petit-déjeuner lorsqu’ils entrent en classe, s’ils ont perdu un parent, si leur maison a été bombardée, s’ils sont de nouveaux réfugiés ou s’ils viennent d’arriver dans un pays étranger, quelle langue ils parlent. »

Pour le dirigeant de l’IE, « il est important que nous commencions à dévier la conversation de la simple information pour nous pencher sur les questions d’éducation éthique, d’apprentissage socio-émotionnel, en prenant véritablement soin les uns des autres ».

Il a également reconnu qu’« il est important pour nous, en tant que responsables de la communication des syndicats de l’éducation, d’être capables de réfuter cette idée que l’enseignement proprement dit est une vieille profession qui doit désormais être revisitée par la technologie ».

En insistant sur l’importance de conclure des alliances avec les élèves, les parents et différents groupes d’alliés, il a également mis en avant la nécessité de disposer d’outils et de documents de référence pour que chacun soit informé et capable de fournir des données probantes.

Résister à l’autoritarisme en Corée du Sud

Hyunsu Hwang, secrétaire international du Korean Teachers and Education Workers' Union (Syndicat des enseignant∙e∙s et des travailleur∙euse∙s de l'éducation coréen∙ne∙s - KTU), a raconté la résistance et la mobilisation incessante du syndicat contre la tentative de coup d’État fomentée par l’ancien Président Yoon Suk Yeol, lorsqu’il a cherché à imposer la loi martiale le 3 décembre 2024. Les mobilisations massives de la population coréenne ont réussi à faire cesser la menace autoritaire qui pesait sur la démocratie.

Le 4 avril 2025, un arrêt de la Cour constitutionnelle a confirmé la destitution du Président par l’Assemblée nationale. « Je devais donner cours à mes élèves du secondaire, donc je n’ai pas pu me joindre aux manifestations de rue à ce moment-là, mais j’ai regardé la proclamation de l’arrêt de la Cour en classe avec mes élèves », a déclaré M. Hwang. « Nous avons rétabli la démocratie coréenne. Il reste un long chemin à parcourir, mais cette réussite est remarquable. »

Défis et opportunités de l’organisation en ligne

Se heurtant également à un pouvoir politique autoritaire, l’Administration Trump aux États-Unis, Kate Hilts, responsable de la stratégie numérique au Centre des communications de la National Education Association (Association nationale de l'Éducation - NEA), a présenté les défis et les opportunités de l’organisation en ligne. « Nous avons véritablement observé une hausse de la désinformation, de la droite, des trolls, etc., sur toutes nos plateformes de réseaux sociaux », a-t-elle indiqué. Elle a souligné l’importance de ne pas réagir aux trolls et de créer des stratégies de gestion de la communauté afin de s’assurer que les messages atteignent les membres sans être noyés par la désinformation.

« Nous avons constaté que les réseaux sociaux suffisent rarement à mobiliser les gens sur le terrain ou à les faire assister à un événement. C’est un outil parmi un arsenal de choses que nous faisons lorsque nous organisons une manifestation », a-t-elle précisé.

Communications hors ligne au Togo

Lorie Akilè-Essofrom, secrétaire général de la Fédération des syndicats de l'Éducation nationale (FESEN) au Togo, a parlé des communications hors ligne utilisées pour mettre en avant la campagne La force du public: ensemble on fait école ! dans son pays.

M. Akilè-Essofrom a expliqué que les dirigeant∙e∙s syndicaux∙ales effectuent des visites physiques dans chaque région afin de mobiliser les troupes dans tout le pays. Il∙Elle∙s préparent du matériel pertinent, comme les dernières mesures et nouvelles relatives à l’éducation, à distribuer dans les différents districts scolaires. « Nous avons des plateformes WhatsApp pour faciliter les sessions et les conférences en ligne avec les responsables de section qui transmettent la formation reçue à leurs pairs lorsqu’ils se rencontrent sur le terrain », a-t-il expliqué.

« Lorsque nous avons un représentant ou une représentante dans une école syndiquée, cette personne parle à ses collègues des avantages de se syndiquer. Nous demandons également des créneaux de 30 à 60 minutes pour parler aux enseignants et enseignantes pendant les réunions pédagogiques, les conseils des enseignants et enseignantes ou une journée pédagogique », a-t-il ajouté.

Par ailleurs, le syndicat mène une initiative dans laquelle des enseignant·e·s expérimenté·e·s travaillent avec de futur·e·s enseignant·e·s pour les aider à se préparer aux examens afin d’obtenir leur certificat ou leur licence d’enseignant·e. Cela permet de toucher une nouvelle génération d’enseignant·e·s.

Stratégies de campagne induisant un

changement politique en Uruguay

Un autre aspect de la communication syndicale concerne l’adaptation des campagnes et des revendications au contexte national. Daniel Manchín de la Federación Nacional de Profesores de Enseñanza Secundaria (Fédération nationale des professeur∙e∙s - FENAPES) d’Uruguay a fait part de son expérience de la campagne La force du public : ensemble on fait école ! en Uruguay.

« L'Uruguay a été l'un des premiers pays à rejoindre la campagne », a rappelé M. Manchín. Les communications syndicales concernant la campagne dans les médias et sur les réseaux sociaux ont été adaptées au contexte uruguayen et au processus électoral, qui a abouti à l’élection d’un professeur d’histoire et d’un syndicaliste à la Présidence.

M. Manchín a décrit les premiers efforts de campagne déployés par la FENAPES, qui visaient à présenter une image plus transparente et moins vindicative du syndicat. Toutefois, le climat politique a nécessité un changement de stratégie, en raison de la mise en œuvre par la coalition gouvernementale de droite de mesures éducatives destinées à renforcer la privatisation de l’enseignement public.

La campagne « Transformation de la terreur » a repris des icônes de films d’horreur pour critiquer la réforme de l’éducation par le gouvernement en les comparant à des monstres et pour souligner les effets négatifs de la réforme sur l’enseignement public. Elle a été suivie par une campagne utilisant des images familières de bulletins de notes pour présenter les résultats négatifs des réformes.

M. Manchín a insisté sur l’humour dont étaient empreintes les campagnes pour mieux faire passer les messages et les rendre plus accessibles aux différents publics, en particulier les élèves. La campagne a également été intégrée à des événements culturels et sportifs, comme le soutien de groupes de carnaval et le parrainage de matchs de football et de courses cyclistes, afin d’atteindre un public plus large.

Montée en puissance de la campagne dans les pays arabes

Najat Ganay, membre du Conseil national du Syndicat national de l'enseignement-Fédération démocratique du travail (SNE/FDT) du Maroc et vice-présidente du Comité de la Structure interrégionale des pays arabes de l’IE (SIRPA), a présenté un rapport sur la dernière Conférence biennale de la SIRPA qui s’est déroulée au Caire, en Égypte. Mme Ganay a insisté sur le fait que les participant·e·s ont présenté des recommandations afin de renforcer la campagne dans les pays arabes et a souligné que les efforts pour obtenir un nouveau statut pour le personnel enseignant au Maroc ont été couronnés de succès.

Elle a ajouté que les délégué·e·s ont discuté des manières de renforcer les partenariats avec le Partenariat mondial pour l’éducation, la Ligue arabe et Education Cannot Wait (ECW).

Actions de plaidoyer et relations internationales au Zimbabwe

Daisy Tendai Zambuko, chargée des communications, du plaidoyer et des relations internationales de la Zimbabwe Teachers' Association (Association des enseignant∙e∙s du Zimbabwe - ZIMTA), a fait part de son expérience de la campagne La force du public : ensemble on fait école ! au Zimbabwe. « Nous avons ciblé, en particulier, les responsables politiques, à savoir les parlementaires, le ministre de l’Éducation et le ministre des Finances. Nous voulons participer à leurs réunions et donner notre avis sur la manière dont ils pourraient augmenter le financement de l’enseignement public, parce que nous avons énormément d’idées sur la manière dont cela peut se faire », a-t-elle indiqué.

Mme Zambuko a insisté sur la nécessité d’augmenter le financement de l’éducation et d’améliorer les conditions de travail du personnel enseignant : « Le gouvernement parle d’un déficit de 8.000 enseignants et enseignantes dans les établissements d’enseignement primaire, secondaire et supérieur et il ne nous donne aucun délai pour le recrutement de ces enseignants et enseignantes, parce qu’il prétend ne pas avoir l’argent pour le faire. »

La ZIMTA a également présenté une série de portraits sur les réseaux sociaux dans le cadre du Mois des femmes en mars. « Nous avons visité plusieurs écoles, en particulier, celles où travaillent de nombreuses femmes, et nous leur avons demandé si elles pouvaient nous donner des idées de ce qui peut être fait pour les femmes dans l’éducation. Et elles étaient heureuses de les partager. »

Mises à jour sur les communications et les campagnes dans les régions de l’IE

Les participant·e·s ont également reçu des mises à jour sur les communications et les campagnes menées dans diverses régions de l’IE.

Thomas Bouïssaguet, responsable des communications au sein du Comité syndical européen de l’éducation (CSEE), a fait le point sur la relance de ComNet Europe, les nouveaux site Web et bulletins d’information du CSEE qui seront bientôt disponibles et le développement de la campagne de l’IE La force du public : ensemble on fait école ! en Albanie et au Tadjikistan.

Kojo Asiamah Addo, responsable de projet pour les campagnes et les communications au bureau de la région Afrique de l’IE, a présenté les objectifs du ComNet Afrique, en soulignant l’importance de faciliter un échange fluide de nouvelles idées, ressources et bonnes pratiques en matière de stratégies de communication pour permettre aux organisations membres d’y participer de manière efficace avec les parties prenantes, notamment les éducateur·trice·s, les responsables politiques, les partenaires et le grand public.

Alina Rodríguez et Bolívar Rojas, responsables des communications au bureau de la région Amérique latine de l’IE, ont parlé de la campagne de plaidoyer en faveur de l’enseignement public dans la région. Mme Rodríguez a insisté sur l’intégration de la dimension de genre dans la campagne La force du public : ensemble on fait école ! par l’intermédiaire de réseaux régionaux. M. Rojas a présenté le « Manuel pour l’élaboration d’une stratégie de communication » (en espagnol) destiné à encourager les organisations membres à débattre et à définir une stratégie de communication qui leur permette d’orienter leurs actions en la matière.