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Mondes de l'éducation

GPE/Roun Ry
GPE/Roun Ry

Notre combat pour l’éducation est un combat pour les droits des femmes

Publié 7 mars 2024 Mis à jour 8 mars 2024
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Le droit à l’éducation signifie que chaque enfant doit avoir accès à une éducation gratuite de qualité, à un ou une professeur·e qualifié·e et convenablement soutenu·e, et à un environnement d’apprentissage de qualité, quel que soit son lieu de résidence ou d’origine, son genre, son appartenance ethnique ou le niveau de revenu de sa famille. Telle est notre mission en tant que syndicats de l’éducation et le pilier fondamental de notre campagne La force du public : Ensemble on fait école !

Notre campagne est un effort mondial visant à garantir le droit à l’éducation pour toutes et tous, partout, en particulier pour les enfants les plus vulnérables, dont la plupart sont des filles. Il s’agit également d’un effort visant à garantir que notre profession, dominée par les femmes dans de nombreuses régions du monde, reçoive la reconnaissance et le respect qu’elle mérite.

Le défi à relever exige toute notre attention et une mobilisation urgente.

Le droit à l’éducation en danger

Ces dernières années ont été marquées par une série de crises qui se sont aggravées, de la pandémie de Covid-19 à la crise du coût de la vie, en passant par la montée des conflits violents, les guerres et la crise climatique croissante. Les femmes, les jeunes filles et les groupes marginalisés sont souvent les plus touché·e·s, ce qui a incité les Nations unies à axer la Journée internationale des femmes de cette année sur la nécessité urgente d’investir dans les femmes.

Selon les Nations unies, il est essentiel d’agir immédiatement pour éviter que plus de 342 millions de femmes et de filles ne vivent dans la pauvreté d’ici à 2030. Dans le même temps, les conflits et la hausse des prix pourraient conduire 75 % des pays à réduire leurs dépenses publiques d’ici à 2025, ce qui aurait un impact négatif sur les femmes et les filles en limitant les services essentiels, y compris l’éducation.

Depuis le début de la pandémie, les budgets consacrés à l’éducation ont diminué dans 65 % des pays à revenu faible ou intermédiaire. Même dans les pays à revenu moyen supérieur et à revenu élevé, 33 % d’entre eux connaissent une baisse de leur budget consacré à l’éducation. Des années de sous-investissement chronique ont alimenté une pénurie mondiale alarmante de 44 millions de personnels enseignants et, dans l’état actuel des choses, il est impossible de les recruter.

Dans de nombreux endroits du monde, les enseignantes et les enseignants sont surchargé·e s de travail, peu valorisé·e s et sous-payé·e s, avec pour conséquence que peu de personnes aspirent à rejoindre la profession. Pour ne rien arranger, de plus en plus de personnels quittent la profession qu’ils aiment et dont le monde a désespérément besoin. Ceux et celles qui restent se retrouvent trop souvent avec des salaires bas, des charges de travail ingérables, une bureaucratie étouffante, des emplois précaires, des ratios enseignant·e·s/élèves en hausse et très peu de respect pour leur travail, qui est essentiel. Sans surprise, dans de nombreux pays, la majorité des personnes qui soutiennent nos systèmes éducatifs en dépit de ces circonstances désastreuses sont des femmes.

Les personnels enseignants réfugiés et ceux qui travaillent dans les camps de réfugié·e s portent un fardeau encore plus lourd. La voix de Stella Oryang Aloyo a résonné avec force lorsqu’elle s’est exprimée lors du Forum de haut niveau « L’éducation ne peut attendre » : «  J’aimerais que vous puissiez vous mettre à ma place pendant une heure. Vous comprendriez d’où je viens ». Être une enseignante réfugiée, c’est travailler avec 200 élèves dans sa classe, aider les enfants à s’orienter dans un endroit qu’ils ne connaissent pas, avec peu de matériel pédagogique ou de soutien, le tout pour 120 USD par mois qui ne suffisent pas à nourrir sa famille et qui ne sont même pas payés à temps. Stella a terminé son intervention au Forum par un appel à l’action : «  Je fais ma part, faites la vôtre ».

Son appel et celui de notre profession ne sont pas restés sans réponse.

La transformation de l’éducation commence par l’investissement dans les personnels enseignants

La pénurie croissante de personnels enseignants a conduit le Secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, à convoquer un Groupe de haut niveau sur la profession enseignante se focalisant sur la réalisation de nos objectifs communs en matière d’éducation. J’ai été fière d’être la voix de notre profession au sein du Groupe, en veillant à ce que ses recommandations tiennent compte de la situation réelle d’enseignantes et d’enseignants comme Stella.

Nous avons franchi une étape décisive. Les 59 recommandations du Groupe sont progressives et ambitieuses, reconnaissant qu’investir dans des personnels enseignants bien qualifiés et bien encadrés est un investissement dans la qualité et la durabilité de nos systèmes éducatifs.

Les recommandations font écho à un grand nombre de nos revendications syndicales, en mettant fortement l’accent sur l’égalité des genres et l’inclusion.

En résumé, le Groupe a déclaré que les personnels enseignants et le personnel de soutien à l’éducation doivent être soutenus, valorisés et rémunérés à leur juste valeur. La charge de travail et les conditions de travail doivent favoriser le bien-être mental et physique des personnels. Les salaires doivent être compétitifs par rapport à ceux de professions comparables et doivent être décidés à la table des négociations avec les personnels et leurs syndicats. L’équité salariale entre les hommes et les femmes doit être garantie et le leadership des femmes doit être encouragé.

Les recommandations appellent également à la mise en place d’environnements de travail éducatifs inclusifs, sûrs et non discriminatoires pour les enseignantes et les enseignants dans toute leur diversité, y compris ceux qui vivent avec un handicap. Les personnels enseignants doivent être protégés contre toutes les formes de violence et de harcèlement, y compris la violence fondée sur le genre.

Les enseignantes et les enseignants travaillant dans des contextes d’urgence doivent également être soutenu·e·s. Le Groupe d’experts appelle la communauté internationale à créer un Fonds mondial pour les salaires des personnels enseignants afin de garantir que ceux et celles qui travaillent dans des situations de crise reçoivent des salaires justes et qu’ils soient versés à temps. Leur travail d’enseignement et de soutien aux enfants les plus vulnérables est essentiel.

Comme l'a déclaré le Secrétaire général Guterres lors de la publication des recommandations du Groupe, "Tout comme les personnels enseignants nous soutiennent toutes et tous, il est temps de soutenir les enseignantes et les enseignants. Veillons à ce qu'ils bénéficient du soutien, de la reconnaissance et des ressources dont ils ont besoin pour dispenser une éducation et des compétences de qualité et pertinentes pour toutes et tous".

Il ne fait aucun doute que ces 59 recommandations marquent un tournant dans l’élaboration des politiques mondiales en matière d’éducation. Notre plaidoyer collectif et notre mobilisation autour de la campagne La force du public : Ensemble on fait école ! nous ont permis d’arriver à ce moment. Nous devons continuer à nous mobiliser et à nous organiser pour faire de ces recommandations une réalité pour tous les personnels éducatifs et les élèves du monde entier.

Le prochain moment clé de notre campagne se profile à l’horizon. A partir du 11 mars, la 68e session de la Commission de la condition de la femme des Nations Unies se réunira à New York. Les gouvernements et les militants des droits des femmes discuteront de la menace que représente l’augmentation des taux de pauvreté qui affectent de manière disproportionnée les femmes et les filles et travailleront ensemble pour proposer des solutions. Notre délégation de femmes syndicalistes de l’éducation sera présente pour demander aux gouvernements d’investir dans une éducation publique gratuite et de qualité afin qu’aucune fille ne soit privée de son droit à l’éducation et que les femmes qui rendent l’éducation possible chaque jour soient payées, respectées et valorisées pour le travail essentiel qu’elles accomplissent.

En cette Journée internationale des femmes et chaque jour, notre engagement en faveur des droits des femmes et des filles est inébranlable. Nous devons continuer d’agir publiquement et d’appeler nos gouvernements à financer une éducation gratuite et de qualité pour toutes et tous. Ensemble, nous apporterons un réel changement pour les femmes et les filles dans toute leur diversité.

Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.