Passer des recommandations à l’action : s’unir pour mettre fin à la pénurie mondiale d’enseignant·e·s
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Une version abrégée des réflexions qui suivent a été prononcée par Johanna Jaara Åstrand, vice-présidente de l’Internationale de l’Éducation pour la région européenne et présidente du Syndicat suédois de l’éducation, à l’occasion de l’événement “ Global Gateway High-level Education” de l’Union européenne le 11 avril 2024. Cet événement a marqué le lancement régional des recommandations formulées par le Groupe de haut niveau sur la profession enseignante des Nations Unies afin de lutter contre la pénurie mondiale d’enseignant·e·s.
Je suis devenue enseignante car il s’agit du métier le plus utile, le plus important et le plus précieux qui soit. Et je sais que mes collègues à travers le monde partagent cette opinion. Pourtant, il manque aujourd’hui 44 millions d’enseignant·e·s, et ce rien que dans le primaire et le secondaire. Si on compte l’éducation de la petite enfance ainsi que l’enseignement et la formation techniques et professionnels, ce nombre est encore plus important. La nécessité de recruter davantage d’enseignant·e·s se fait particulièrement ressentir pour les élèves issus de communautés défavorisées ou difficiles d’accès.
Les enseignantes et enseignants du monde entier sont déterminé·e·s à offrir une éducation inclusive et de qualité, mais nous devons bénéficier d’un soutien, d’une reconnaissance et de ressources adaptés pour répondre aux besoins de nos élèves.
Près de 60 ans après l’adoption de la Recommandation de l’OIT et l’UNESCO concernant la condition du personnel enseignant, la création du Groupe de haut niveau sur la profession enseignante met à nouveau la lumière sur les questions relatives aux enseignant·e·s. Les recommandations du Groupe identifient, à juste titre, plusieurs domaines clés nécessitant une action urgente.
Tout d’abord, les enseignant·e·s ont besoin de conditions de travail décentes, notamment des salaires attrayants et la sécurité de l’emploi. Il est temps de mettre fin aux politiques court-termistes consistant à recruter du personnel sous-qualifié sous contrat précaire, et d'investir plutôt dans l’amélioration de la condition des enseignant·e·s à tous les niveaux de l’éducation.
Deuxièmement, les enseignant·e·s devraient bénéficier d’une formation initiale, d’un encadrement et d’un accompagnement de qualité, ainsi que de perspectives de carrière. Des normes professionnelles doivent être élaborées conjointement, mises en œuvre et suivies par la profession enseignante afin de garantir une éducation de qualité.
Enfin troisièmement, en tant qu’enseignantes et enseignants, nous avons besoin que notre bien-être soit préservé, que notre jugement professionnel soit respecté et que notre voix soit entendue. Nous devenons enseignant·e·s parce que nous nous soucions de la jeunesse, que nous voulons avoir un impact positif et que nous avons foi en l’avenir. Il faut entretenir cette vocation en encourageant la capacité d’action et l’autonomie de la profession.
Dans l’ensemble, il est primordial à la fois de garantir les droits fondamentaux des enseignant·e·s au travail et de favoriser une nouvelle approche de la profession centrée sur l’humain. Investir dans une réforme globale des politiques devrait permettre de faire de l’enseignement un métier attrayant de premier choix, dans lequel les professionnels veulent rester et évoluer tout au long de leur carrière. Cela nécessite des financements adaptés afin de former et de recruter un nombre suffisant d’enseignant·e·s qualifié·e·s. C’est pourquoi l’IE et ses 383 organisations membres plaident en faveur d’une augmentation des investissements dans la profession à travers la campagne « La force du public : ensemble on fait école ! ».
Formuler des recommandations mondiales est un bon début. Cependant, chaque pays s’ancre dans un contexte qui lui est propre. Aussi, comme le préconise d’ailleurs le Groupe, chaque État devrait mettre en place une commission nationale afin de remédier à la pénurie d’enseignants et enseignantes sur leur territoire. Nous ne pourrons lutter contre ces pénuries que si nous en connaissons la nature et l’ampleur, en identifions les causes profondes et impliquons la profession dans le processus.
Car nous connaissons les raisons de ces pénuries. En Suède, 60 % des enseignant·e·s ayant abandonné la profession seraient prêt·e·s à revenir sur leur décision si les salaires et conditions de travail étaient meilleurs, et si davantage de respect et de confiance étaient accordés à notre profession. Au Soudan du Sud, nos collègues n’ont pas été payé·e·s depuis des mois. Un fonds d’urgence pour les salaires des enseignant·e·s pourrait contribuer à attirer et retenir les enseignant·e·s en leur garantissant une rémunération adéquate en temps et en heure.
Pour mettre réellement fin à la pénurie d’enseignant·e·s, les États devront nécessairement collaborer avec la profession enseignante. Dans de trop nombreux pays, l’absence de mécanismes de dialogue social et de négociation collective les a privés de l’expérience et de l’expertise des enseignant·e·s. En travaillant ensemble, nous pourrons relever les nouveaux défis qui émergent, tels que la crise climatique ou l’utilisation des nouvelles technologies dans l’éducation.
Pour nous en tant qu’enseignantes et enseignants, les recommandations du Groupe de haut niveau constituent un ensemble d’outils puissants permettant de transformer l’éducation et de changer la vie de millions de collègues et d’élèves à travers le monde. Nous sommes prêt·e·s à apporter notre contribution à la mise en œuvre de ces recommandations. Nous appelons les États à en faire autant. Engagez-vous à nos côtés, travaillez avec les syndicats de l'enseignement et investissez dans vos enseignant·e·s. C’est ainsi que vous construirez un avenir plus solide et plus durable.
Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.