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Taïwan : le syndicat d'enseignants alerte sur les dangers des caméras de surveillance dans les établissements d’EPE

Publié 25 novembre 2020 Mis à jour 26 novembre 2020

La National Teachers’ Association (NTA) de Taïwan s’inquiète de l’installation de caméras de surveillance dans les établissements d’éducation de la petite enfance (EPE). Elle plaide pour des mesures plus efficaces en vue de répondre aux principales préoccupations concernant ces établissements.

Les commentaires du syndicat font suite à la publication de statistiques par le ministère taïwanais de la Santé et du Bien-être en 2019. Ces statistiques révèlent 4.943 cas de maltraitance d’enfants infligée par les parents ou les familles d’accueil à la maison. Elles montrent également 89 cas d’abus d’enfants d’âge préscolaire de la part des enseignant·e·s ou des assistant·e·s maternel·le·s, principalement dans des établissements privés d’EPE qui figurent sur la liste de surveillance du gouvernement pour avoir violé la réglementation idoine à plusieurs reprises.

Selon Su Yi-Chih, coordinatrice principale du département des Affaires internationales de la NTA, « il est bouleversant de voir se produire des incidents de harcèlement ou d’abus d’enfants dans les foyers ou les écoles ». La NTA estime que, si l’on veut résoudre le problème, l’environnement d’apprentissage et d’enseignement doit être minutieusement réexaminé en coopération avec le syndicat. Dans les établissements où des caméras ont été installées, la situation ne s’est pas améliorée. Su Yi-Chih a cité un exemple concret d’établissement au sein duquel « un système de surveillance en ligne 24 heures sur 24 n’a pas permis d'empêcher une tragédie comme le prétendaient les sociétés de sécurité, mais a renforcé en revanche la pression qui pèse sur les enseignants et les assistants maternels, tout en brisant la confiance à long terme entre les établissements et les parents ».

Les caméras ne corrigeront ou n’atténueront pas le problème, bien qu’elles puissent réduire la pression politique exercée par une population en colère. L’approche à adopter doit être humaine, et ne pas s'appuyer uniquement sur la technologie.

Des caméras proposées comme seule solution

Le syndicat indique que des appels sont lancés pour que des caméras de surveillance soient installées dans tous les établissements d’EPE chaque fois que les médias diffusent des images vidéo d’une scène suspecte avant ou même pendant les enquêtes officielles. Qu’elles soient utilisées pour obtenir des preuves ou simplement des éclaircissements sur certaines situations, l’emploi des caméras pourrait sembler être la seule solution, car celles-ci constituent la réponse automatique du gouvernement et des législateurs en vue d’apaiser la colère sociale face aux allégations.

La confiance est primordiale

Selon Su Yi-Chih, « l’EPE joue un rôle crucial dans le développement cognitif et émotionnel des enfants en termes d’éducation. Il s’agit d’un élément important dans la construction des relations sociales et de la personnalité d’un individu. La confiance bilatérale et multilatérale entre les enfants, les enseignants, les assistants maternels et les parents constitue le fondement indispensable d’une EPE de qualité. Contrairement aux autres niveaux d’éducation, les enfants d’âge préscolaire nécessitent et reçoivent beaucoup d’attention et de soins plutôt qu'un enseignement en classe formel, car le principal objectif de l’EPE est d’aider les enfants à s’adapter à la vie en collectivité et à poursuivre un apprentissage systématique, à savoir l’enseignement primaire. »

« Nous pouvons facilement imaginer, alors que nous faisons nous-mêmes en tant que parents l’expérience de l'éducation à la maison, la pression que subissent chaque jour les enseignants et les assistants maternels de l’EPE à l’école, où le ratio enseignant-assistant maternel/enfants est souvent de un pour huit, voire un pour 15 ou même un pour 24 », a-t-elle également déclaré. « En l’absence de confiance dans leur profession et de soutien pour des conditions de travail décentes, aucun établissement d’EPE de qualité ne pourrait exister. »

De piètres conditions de travail dans les établissements préscolaires privés

Pour répondre aux besoins des parents qui travaillent, les enseignant·e·s et les assistant·e·s maternel·le·s en poste dans les établissements privés sont tenu·e·s de fournir des services de soins dès 7 heures du matin et jusqu’à 19 heures, souvent sans le soutien, le respect ou la confiance de base des parents, de la direction de l’établissement et du grand public, a-t-elle ajouté.

Dans certains cas, les enseignant·e·s et les assistant·e·s maternel·le·s de l’EPE n’ont pas été bien traité·e·s, ce qui se reflète dans leurs mauvaises conditions de travail, leurs longues heures de travail, leur taux de rotation élevé et leurs exigences, associés à de faibles salaires, peu d’avantages et un statut social peu valorisé, a déclaré Su Yi-Chih.

En outre, elle a souligné que les établissements préscolaires à but lucratif ont tendance à employer de nombreux enseignant·e·s non qualifié·e·s avec « une expérience insuffisante de l’enseignement et aucune certification officielle en matière d’EPE ».

La combinaison de tous ces facteurs a créé un environnement de travail au sein duquel les enseignant·e·s et les assistant·e·s maternel·le·s subissent un stress intense et ont du mal à faire face aux nombreuses attentes et exigences en termes de performances qui leur sont imposées.

Malheureusement, lorsque des incidents et des allégations d’abus se sont produits, les équipes de direction des établissements n’ont pas pris leurs responsabilités et les ont transférées aux enseignant·e·s et assistant·e·s maternel·le·s, a-t-elle déclaré. Se préparant à ouvrir des écoles maternelles ailleurs, elles ont présenté des excuses que le syndicat a qualifiées d’« hypocrites ». Selon Su Yi-Chih, les parents étaient « tristes et bien souvent indignés », mais « seules de vagues réponses » ont été apportées par le gouvernement.

Des politiques et des pratiques centrées sur l’enfant sont essentielles pour une EPE de qualité

Expliquant que « les enfants sont notre avenir et méritent un enseignement public de qualité », Su Yi-Chih a rappelé que « la NTA a toujours maintenu une position forte sur les politiques publiques d’EPE centrées sur l’enfant ».

Dans le même temps, il est certain que la surveillance continue des autorités gouvernementales via des inspections régulières dans les établissements préscolaires privés est importante afin de prévenir les abus envers les enfants, a-t-elle insisté.

La NTA exige que toutes les parties prenantes du secteur de l’EPE reconsidèrent sérieusement ce dont les enfants d’âge préscolaire ont réellement besoin pour s’épanouir pleinement et réfléchissent au type de soutien nécessaire pour les enseignant·e·s et les assistant·e·s maternel·le·s afin de répondre à ces besoins, dans le but de parvenir à une EPE de qualité.