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Créer une dynamique favorable à l’enseignement public dans le Pacifique

Publié 19 août 2025 Mis à jour 26 août 2025

Les syndicats de l’éducation de la région Pacifique – Fidji, Papouasie-Nouvelle-Guinée, îles Salomon et Vanuatu – se sont réunis pour résoudre la pénurie mondiale actuelle d’enseignant∙e∙s et appeler les gouvernements et les institutions internationales à donner la priorité à l’enseignement public et à investir dans le personnel enseignant, se faisant l’écho des recommandations des Nations Unies sur la profession enseignante.

Du 4 au 6 août 2025, la Région Asie-Pacifique de l’Internationale de l’Éducation (IEAP) et le Council of Pacific Education (Conseil de l’éducation du Pacifique - COPE) ont organisé conjointement une réunion de planification stratégique et le lancement officiel de la campagne de l’IE La force du public : ensemble on fait école ! à Nadi, aux Fidji. L’événement a rassemblé plus de 36 représentant·e·s de syndicats d’enseignant·e·s, des dirigeant∙e∙s de l’éducation et des partenaires de l’éducation, ainsi que des représentant·e·s de l’IEAP, d’ Union Aid Abroad – APHEDA, de l’Organisation internationale du Travail (OIT) et de l’UNESCO.

Le rôle crucial des syndicats pour faire respecter les droits des enseignant·e·s

Les syndicats doivent mener la campagne afin d’obtenir de meilleurs salaires et de meilleures conditions de travail pour les enseignant·e·s, selon Martin Wandera, directeur de l’OIT pour les pays insulaires du Pacifique, dans son allocution d’ouverture, ajoutant que ce leadership joue un rôle majeur dans la solution à la crise que représente la pénurie mondiale d’enseignant·e·s, 50 millions d’enseignant·e·s étant recherchés à l’échelle mondiale.

« La pénurie mondiale d’enseignants et enseignantes n’est pas simplement une crise relative à des chiffres, mais une crise de moral, de conditions de travail et de volonté politique. La profession enseignante doit s’appuyer sur des principes de travail décent, à savoir un salaire équitable, des environnements de travail sûrs, un accès à une formation de qualité et le respect du droit syndical », a-t-il expliqué.

M. Wandera a également rappelé aux participant·e·s que « les enseignants et enseignantes ne sont pas simplement des instruments de mise en œuvre de la politique éducative, ils sont des bâtisseurs de nation. Des syndicats forts et démocratiques sont essentiels pour garantir que le personnel enseignant soit en mesure de remplir ce rôle. »

Il a poursuivi en soulignant que la crise menace la capacité mondiale à fournir une éducation de qualité pour tou·te·s et « affecte le développement économique et social plus large car l’éducation est la clé de la réussite ».

Mary Anne Therese Manuson, spécialiste des programmes éducatifs au Bureau régional de l'UNESCO pour les États du Pacifique, a souligné l'ampleur du défi : « Le monde fait face à une pénurie critique d'enseignants et enseignantes, ce qui entrave la réalisation de l’Objectif de développement durable 4 (ODD 4). Pour parvenir à une éducation universelle d'ici 2030, nous avons besoin d'environ 44 millions d'enseignants et enseignantes supplémentaires dans le monde. Pourtant, le taux de départ du personnel enseignant a doublé ces dernières années, en raison de salaires bas, de mauvaises conditions de travail et d'un manque de reconnaissance. Transformer la profession enseignante nécessite des approches complètes, axées sur l'équité, allant de l'amélioration des salaires et des conditions de travail à l'habilitation des enseignants et enseignants en tant que co-créateurs des politiques éducatives. »

Sharan Kc, d’ Union Aid Abroad – APHEDA, a confirmé qu’APHEDA était un partenaire de la campagne La force du public et a souligné le rôle capital que jouent le personnel enseignant dans la réalisation de l’ODD 4 relatif à l’éducation de qualité pour tou·te·s. Elle a mis en exergue l’importance de respecter et de soutenir la profession enseignante et a relevé que la campagne offre une plateforme puissante pour permettre aux personnels de l’éducation de dispenser une éducation de qualité pour tou·te·s.

Les participant·e·s ont fermement condamné le sous-financement chronique du secteur, la sous-valorisation du personnel enseignant et l’essor de la privatisation. Ils ont appelé à mettre un terme à la marchandisation de l’éducation et ont insisté sur le fait qu’elle doit être financée de manière équitable, durable et transparente.

Une feuille de route pour l’action – Les recommandations des Nations Unies

L’assemblée a ensuite approuvé les recommandations des Nations Unies sur la profession enseignante en tant que feuille de route pour renforcer la profession enseignante dans le Pacifique. Quatre domaines prioritaires ont été recensés :

R7. Une éducation de qualité n’est pas possible en l’absence d’un financement adéquat. Le financement de l’enseignement public devrait être fixé au moins à 6 pour cent du produit intérieur brut et à 20 pour cent des dépenses publiques totales. Ces dépenses devraient être transparentes et protégées contre les mesures d’austérité.

R8. Le financement à long terme d’enseignant·e·s dûment qualifié·e·s et soutenu·e·s est un investissement dans la qualité et la viabilité des systèmes éducatifs. Les gouvernements devraient investir dans le personnel enseignant en lui offrant des salaires compétitifs et des incitations, une formation professionnelle abordable, accessible et de qualité, un développement professionnel continu, des outils d’enseignement et d’apprentissage de qualité, ainsi que la mise à disposition de personnels de soutien à l’éducation qualifiés.

R37. Les conditions de travail devraient également offrir des contrats stables, un lieu de travail sûr et sain, des relations enseignant·e/élève gérables, des structures de soutien pour la gestion du comportement des élèves à problème, des charges de travail équilibrées, un logement sûr, abordable et adéquat, des possibilités de formation et de développement professionnels pertinentes, accessibles et de qualité, un accès équitable à la technologie et à d’autres ressources, une protection sociale et une pension adéquates et des horaires (y compris pour les activités en dehors de l’enseignement en classe, comme la préparation des cours, les corrections et les activités avec les élèves et les parents en dehors de la classe) qui permettent de concilier adéquatement vie privée et vie professionnelle.

R48. Un dialogue social coordonné et institutionnalisé entre les gouvernements (au niveau approprié), les organisations d’enseignant·e·s représentatives et les organisations d’employeurs concernées devrait être la voie principale pour élaborer des politiques relatives à l’éducation, à l’enseignement et à la profession enseignante. Outre les questions en lien direct avec les conditions d’emploi et de travail, le dialogue social devrait également couvrir des sujets plus vastes de la politique éducative, notamment en ce qui concerne la technologie et la transformation de l’éducation, la transition juste et un enseignement destiné à faciliter l’entrée dans le monde du travail. La négociation collective devrait être utilisée pour déterminer les conditions qui affectent la profession enseignante.

Le Rapport mondial sur les enseignants, un appel à l’action

L’Australie et la Nouvelle-Zélande doivent faire plus pour aider les pays du Pacifique à résoudre la pénurie de 300.000 enseignant·e·s dont l’Océanie a besoin, a indiqué le directeur de la campagne La force du public !, Angelo Gavrielatos. Il a déclaré que des pays comme les Fidji, qui ont perdu chaque année en moyenne 600 enseignant·e·s au profit de ces deux pays, doivent être aidés. « Oui, 300.000, cela peut sembler peu par rapport aux 15 millions de l’Afrique subsaharienne, mais lorsque vous prenez en considération nos nations insulaires et nos populations, 300 000 enseignants et enseignantes en Océanie représentent un problème considérable. »

Par ailleurs, M. Gavrielatos a souligné que le premier Rapport mondial sur les enseignants de l'UNESCO et de l'Équipe spéciale internationale sur les enseignants insiste sur l’urgence de ce défi et appelle à une action immédiate. Il a ajouté que le rapport « n’est pas un simple outil de surveillance, c’est un appel à l’action », « fondé sur une vision de l’éducation humaniste et basée sur les droits, inspirée par les instruments normatifs sur le personnel enseignant, la Commission internationale sur les futurs de l’éducation, les résultats du Sommet sur la transformation de l’éducation et les recommandations du Groupe de haut niveau sur la profession enseignante, ce rapport réaffirme que les enseignants et enseignantes sont essentiels pour réaliser l’ODD 4 et transformer l’éducation proprement dite ».

Il a ensuite fait remarquer qu’il « est essentiel d’investir dans le personnel enseignant pour combler le fossé mondial de l’éducation à l’horizon 2030, alors que les niveaux de financement actuels restent insuffisants ».

Selon lui, transformer la profession enseignante pour un nouveau contrat social nécessite une approche globale, axée sur l’équité et « les enseignants et enseignantes doivent être engagés en tant que co-créateurs de la politique éducative, en particulier pour façonner leur développement professionnel ».

Réunions avec les principales parties prenantes de l’éducation dans le Pacifique

La délégation de l’IE – composée d’Angelo Gavrielatos, directeur de la campagne La force du public : Ensemble on fait école !, d’Anand Singh, directeur régional de l’IEAP, et de Neselinda Meta, secrétaire générale du COPE – a rencontré des membres du Comité directeur du Pacific Heads of Education Systems (les dirigeants et dirigeantes des systèmes éducatifs du Pacifique - PHES), qui se réunissaient à Nadi au même moment.

Au cours de cette réunion, la délégation a présenté les recommandations des NU et a appelé les gouvernements à mettre sur pied une Commission des enseignant·e·s du Pacifique afin de coordonner les efforts régionaux concernant l’offre, la politique, le développement professionnel et la rétention des enseignant·e·s. L’IE a offert son plein soutien aux gouvernements et aux instances régionales afin de mettre en place cet organe et de le rendre opérationnel, en insistant sur le fait qu’une approche collaborative dans toute la région Pacifique était essentielle pour remédier à la pénurie de personnel enseignant et garantir une éducation de qualité pour tou·te·s.

À la suite de la réunion du Comité directeur du PHES, les membres de l’organisation ont adopté une décision par laquelle ils « reconnaissent le travail accompli par l’Internationale de l’Éducation en faveur de la profession enseignante, considéré comme une priorité de la Conférence des ministres de l’Éducation du Pacifique (CPEM) après les études régionales sur la profession enseignante ».

Assurer un bel avenir aux générations futures

Faisant entendre la voix des enseignant·e·s, le secrétaire général du Fiji Teachers’ Union (FTU), Muniappa Goundar, a réclamé un meilleur dialogue entre les parties prenantes de l’éducation et le ministère de l’Éducation sur la proposition d’allongement des horaires de cours pour les élèves de maternelle dans son pays.

« Nous disons ceci : prenons notre temps pour bien faire les choses, utiliser les médias et les parties prenantes – en l’espèce, les parents – et donner aux enfants le temps de s’adapter, de rester toute la journée ou non. »

« Nous voyons des enfants dormir épuisés sur le sol. Est-il utile que les enfants dorment sur un sol en béton ? », s’est-il interrogé, tout en reconnaissant que « nous devrions être en mesure de trouver une solution qui satisfasse tout le monde ».

Il a également souligné que « notre préoccupation, que nous avons communiquée au ministère de l’Éducation et au ministère des Finances, est de laisser la décision au personnel enseignant ».

« Nous allons négocier pour voir quelle est la meilleure solution pour ces jeunes enfants. Nous voulons le meilleur pour nos enfants », a conclu M. Goundar.

Mettre un terme à la migration du personnel enseignant à l’étranger

Le secrétaire général de la Fijian Teachers’ Association (FTA), Paula Manumanunitoga, a également expliqué que « sous le gouvernement précédent, il n’existait pratiquement pas de migration du personnel enseignant. Depuis la mise en place du nouveau gouvernement, un très grand nombre d’enseignants et enseignantes ont quitté le pays. Comme nous le savons tous, les verts pâturages étrangers sont plus lucratifs et les salaires plus élevés. »

Et d’ajouter : « Nous sommes inquiets, parce que nous ne voulons pas que les pénuries de personnel enseignant portent atteinte à l’éducation dans ce pays ».

Pour la FTA, la raison pour laquelle les enseignant·e·s quittent le pays est claire : les salaires. « Si nous comparons l’Australie et les Fidji, nous sommes loin derrière. Nous avons aussi des enseignants et enseignantes originaires des Fidji qui enseignent en Mongolie. Nous avons des enseignants et enseignantes des Fidji partout. Ils sont partis parce que les salaires sont insuffisants. La meilleure solution à ce problème est que le gouvernement envisage d’augmenter les salaires du personnel enseignant. »

Bien que la migration soit un phénomène mondial, elle entraînera certainement des pénuries d’enseignant·e·s, a-t-il dit, et « le gouvernement devrait élaborer une stratégie et mener des consultations en vue de trouver des solutions ».

M. Manumanunitoga a poursuivi en évoquant les pénuries de personnel enseignant dans les établissements primaires et secondaires et dans l’enseignement spécialisé aux Fidji. « Les conditions de travail du personnel enseignant, les situations stressantes qu’entraîne la surpopulation dans les écoles, les très bas salaires, nous allons proposer au ministère quelques pistes pour améliorer tout cela. »

Selon lui, le directeur du Bureau du Pacifique de l’OIT a correctement identifié « ce dont nous avons besoin pour renforcer le syndicalisme. Collectivement, nous pouvons obtenir des choses du gouvernement. Si nous restons unis, nous pouvons faire la différence. »

La voie à suivre

En guise de conclusion, la secrétaire générale du COPE, Neselinda Meta, a exprimé sa profonde gratitude aux participant·e·s, aux partenaires et aux modérateur·trice·s : « Faisons en sorte que le Pacifique s’exprime d’une seule voix et dise : Soutenez l’enseignement public. Financez l’éducation. Ensemble, on fait école! Investissez dans le personnel enseignant. Il est plus que temps ! »

La campagne progresse, avec une unité renforcée, une stratégie claire et la volonté de faire en sorte que chaque enfant du Pacifique ait accès à un·e enseignant·e qualifié·e et soutenu·e dans chaque classe, dans chaque pays et sur chaque île du Pacifique.