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L’Internationale de l’Éducation lance des consultations pour faire entendre la voix de la profession dans le cadre de la révision des Recommandations internationales sur la condition du personnel enseignant

Publié 9 juillet 2025 Mis à jour 11 juillet 2025

En amont de la révision de la Recommandation OIT/UNESCO concernant la condition du personnel enseignant de 1966 et de la Recommandation de l’UNESCO concernant la condition du personnel de l’enseignement supérieur de 1997, l’Internationale de l’Éducation (IE) a lancé un processus de consultation avec ses 375 organisations membres, représentant plus de 33 millions de professionnel·le·s de l’enseignement dans 180 pays et territoires.

Des instruments renouvelés pour répondre aux besoins des enseignant·e·s du XXIᵉ siècle

« La Recommandation conjointe de l’UNESCO et de l’OIT concernant la condition du personnel enseignant a été adoptée en 1966 », a rappelé Haldis Holst, secrétaire générale adjointe de l’Internationale de l’Éducation. « 59 ans plus tard, la valeur et la pertinence de ses principes en matière d’éducation et du métier d’enseignant demeurent inchangées. Aux côtés de la Recommandation de l’UNESCO de 1997 concernant la condition du personnel enseignant de l’enseignement supérieur, elle reste la principale référence qui soutient les efforts en faveur de la revalorisation du statut des enseignants et la garantie de leurs droits. Cependant, le contexte dans lequel les enseignantes et enseignants exercent leur métier a profondément changé depuis l’adoption de ces deux instruments », a-t-elle déclaré.

L’inquiétante pénurie de 44 millions d’enseignant·e·s dans le monde, l'essor de l’intelligence artificielle et des technologies, le changement climatique et ses répercussions sur les communautés éducatives, l’augmentation des conflits violents et des guerres, les migrations mondiales, les réformes sur fond d’austérité, la précarisation croissante du secteur, la privatisation et la marchandisation de l’éducation, ainsi que l’érosion de l’autonomie professionnelle et de la liberté académique, représentent autant de nouveaux défis pour la profession enseignante au XXIᵉ siècle.

La récente dynamique politique et la mobilisation en faveur de la réduction de la pénurie d’enseignant·e·s et de la revalorisation de la profession, ainsi que les recommandations pertinentes et progressistes du Groupe de haut niveau des Nations Unies sur la profession enseignante, ont préparé le terrain à la révision des Recommandations de 1966 et de 1997.

« Même si le monde a considérablement changé depuis l’adoption des Recommandations, le rôle des professionnels de l’éducation est toujours aussi important. Les enseignants sont la pierre angulaire d’une éducation de qualité », a souligné Mme Holst, en insistant sur l’engagement de l’IE à soutenir le processus de révision et à faire en sorte que la voix des personnels de l’éducation soit entendue, respectée et prise en compte dans la mise à jour des Recommandations.

À cette fin, le Bureau exécutif de l’IE a mis en place un groupe de travail dédié, composé de représentant·e·s des organisations de toutes les régions, qui regroupent des enseignant·e·s et des personnels de soutien à l’éducation, de tous les niveaux, de la petite enfance à l’enseignement supérieur. Ce groupe de travail suivra de près le processus de renégociation, fournira des orientations et des conseils reflétant la vision et les revendications de l’IE, et guidera également son plaidoyer et sa stratégie. Ce travail s’appuie sur la consultation de ses membres, un processus initié au mois de juin lors de deux réunions en ligne.

Recommandation de 1966 : La participation de la profession au processus de révision est une condition préalable à la légitimité de cet instrument

Le 18 juin, les dirigeant·e·s des syndicats de l’éducation se sont réuni·e·s pour la première consultation en ligne afin de discuter de la révision de la Recommandation UNESCO/OIT de 1966.

Becky Pringle, présidente de la National Education Association (États-Unis) et vice-présidente de l’IE, a présenté la mission et les objectifs du groupe de travail de l’IE qu’elle préside.

Elle a souligné le principe essentiel selon lequel aucune révision de la politique éducative mondiale ne devrait être menée sans la pleine participation de celles et ceux qui sont au cœur de l’enseignement et de l’apprentissage. Tout instrument révisé doit être considéré comme légitime et honnête par les personnes qui en assureront la mise en œuvre. Afin que cela soit possible, les enseignant·e·s doivent contribuer activement à chaque étape de la révision.

Oliver Liang, responsable de l’Unité des services publics et privés au sein du Département des politiques sectorielles de l’OIT, a présenté aux participant·e·s une analyse approfondie des enjeux procéduraux et stratégiques liés à la révision de la Recommandation OIT/UNESCO de 1966 concernant le statut des enseignant·e·s. Afin d’assurer une participation syndicale significative, il a abordé les différentes difficultés et opportunités existantes. Du point de vue de l’OIT, il est essentiel d’ancrer le processus de révision dans un dialogue social tripartite réunissant travailleurs, employeurs et gouvernements. M. Liang a également mentionné le besoin plus large d’un dialogue social renforcé pour façonner les politiques éducatives.

Les leaders syndicaux participant à la consultation ont discuté de leurs priorités, mettant en avant des questions telles que les salaires insuffisants, l’impact de la technologie sur l’enseignement et l’apprentissage, la précarité croissante dans la profession, l’éducation en situations d’urgence et de crise, l’éducation à la paix, ainsi que l’autonomie professionnelle et la liberté académique.

Les syndicats de l’éducation ont également souligné la nécessité de renforcer le Comité d’experts sur l’application des Recommandations concernant le personnel enseignant (CEART), l’organe de suivi chargé de veiller à la mise en œuvre des recommandations. Le CEART examine les allégations des organisations d’enseignant·e·s, rend des conclusions et formule des recommandations afin de proposer des solutions. Pour garantir les droits et le statut de la profession enseignante, le processus du CEART doit fonctionner de manière efficace et inclusive.

Recommandation de 1997 : Défendre l’enseignement supérieur dans un monde en crise

Le 30 juin, les syndicats de l’enseignement supérieur se sont réunis pour discuter de la révision de la Recommandation de l’UNESCO de 1997 concernant la condition du personnel enseignant de l’enseignement supérieur.

David Robinson, directeur exécutif de l’Association canadienne des professeures et professeurs d’université (ACCPU) et membre du groupe de travail de l’IE chargé de la révision des Recommandations, a fait remarquer que le texte de 1997 demeure la seule norme internationale qui définit explicitement des valeurs académiques fondamentales telles que la liberté académique, la gouvernance collégiale et la titularisation. Autant de principes majeurs qui sont aujourd’hui remis en question.

Afin de renforcer son plaidoyer dans le cadre du processus de révision, l’IE a commandé une étude sur l’état de l’enseignement supérieur. Dirigée par le professeur Howard Stevenson et intitulée Au cœur de la tourmente : l’enseignement supérieur dans un monde en crise, cette étude analyse les tendances mondiales du secteur, l’utilisation de la Recommandation de 1997 par les syndicats, ainsi que le mécanisme de suivi du CEART, dans le but d’identifier les principaux axes d’intervention pour le processus de révision.

S’adressant aux syndicats de l’enseignement supérieur, M. Stevenson a présenté les résultats de cette recherche, affirmant qu’une convergence de crises – financières, politiques, environnementales et technologiques – exerce une pression sans précédent sur le secteur.

L’étude a identifié trois menaces systémiques interconnectées : l’austérité, l’autoritarisme et l’automatisation. Les politiques d’austérité ont drastiquement réduit le financement public de l’enseignement supérieur et leur impact est aggravé par les chocs inflationnistes et le déplacement des priorités dans les dépenses publiques. Cette forte contrainte financière a conduit à une érosion des salaires, des pensions de retraite et des conditions de travail, affectant de manière disproportionnée les universitaires en situation précaire, en particulier les femmes et les personnes issues de minorités racisées. Parallèlement, les tendances autoritaires à travers le monde ont alimenté les attaques contre la liberté académique, sapant le rôle des universités en tant qu’espaces critiques démocratiques. L’essor de l’automatisation, notamment sous la forme de l’intelligence artificielle et des technologies éducatives, a été identifié comme une troisième source majeure de préoccupation, son expansion non régulée risquant d’uniformiser la pédagogie, de réduire le rôle du travail universitaire et d’affaiblir l’expérience de l’enseignement supérieur.

L’urgence de protéger la gouvernance collégiale et la liberté académique est au cœur des conclusions de l’étude. M. Stevenson a mis en garde contre une « bataille des idées » qui se joue au sein des universités, où certains gouvernements répriment activement la recherche critique ainsi que les discours sur la diversité, l’équité et l’inclusion, au nom de programmes nationalistes ou conservateurs. Il a souligné que des syndicats forts, indépendants et ayant de bonnes ressources sont essentiels pour défendre la liberté académique et résister aux ingérences managériales et politiques.

Dans le cadre de la révision de la Recommandation de 1997, M. Stevenson a exposé quatre axes clés, issus de cette étude, à prendre en compte :

  1. Garantir la reconnaissance de la liberté académique comme condition indispensable à la qualité de l’enseignement et de la recherche.
  2. Inclure des garanties en matière de titularisation et de sécurité de l’emploi, en particulier pour faire face à la précarité croissante.
  3. Actualiser le vocabulaire relatif aux changements technologiques et aux inégalités sur le marché du travail.
  4. Renforcer les mécanismes de suivi, de transparence et de mise en œuvre du CEART, notamment en s’attaquant aux limites actuelles liées à la gouvernance, qui permettent aux ministères de se retrancher derrière l’autonomie institutionnelle pour reporter la responsabilité sur les établissements d’enseignement supérieur, échappant ainsi à la supervision directe du CEART.

Des représentant·e·s des syndicats de l’enseignement supérieur de plusieurs pays ont fait écho aux conclusions de M. Stevenson et ont signalé l’importance d’inclure dans la Recommandation mise à jour des dispositions supplémentaires, notamment sur le bien-être, la sécurité de l’environnement de travail et les pensions de retraite.

Les participant·e·s ont également rappelé la nécessité de prendre en compte le fait que les défis auxquels l’enseignement supérieur est confronté sont des enjeux démocratiques. La légitimité de ces établissements en tant que lieux de production, de transmission et de diffusion du savoir, est actuellement affaiblie par la méfiance croissante du public envers les experts et les institutions universitaires, une tendance nourrie par certains acteurs politiques. La Recommandation révisée peut constituer un outil précieux pour défendre les universités en tant que foyers de la démocratie et de la liberté de recherche.

L’expérience des enseignant·e·s du monde entier doit alimenter les Recommandations

Des consultations structurées avec les organisations membres de l’IE se poursuivront tout au long de la révision, dans le but de créer un processus inclusif qui reflète les réalités vécues par le personnel enseignant à travers le monde.