Côte d’Ivoire : innovation syndicale pour améliorer l’apprentissage et la formation du personnel enseignant
Depuis trois ans, le Syndicat National des Enseignants du Primaire Public de Côte d’Ivoire (SNEPPCI) mène des initiatives ambitieuses visant à transformer les pratiques pédagogiques et renforcer les compétences professionnelles des enseignant·e·s. Soutenu par l’Internationale de l’Éducation, le syndicat a expérimenté une approche novatrice : les cercles d’apprentissage pilotés par les enseignant·e·s pour l’évaluation formative.
Une nouvelle manière d’évaluer pour un meilleur apprentissage
Le projet de « cercles d’apprentissage pilotés par les enseignant·e·s pour l’évaluation formative » vise à fournir au personnel enseignant les outils et le soutien nécessaires pour identifier et mettre en place des pratiques d’évaluation formative efficaces, pilotées par le personnel enseignant, qui pourront ensuite être diffusées au sein de leur syndicat et partagées avec d’autres syndicats. Le projet est mené par l’Internationale de l’Éducation et bénéficie d’un financement de la Fondation Jacobs.

Traditionnellement, l’évaluation dans les écoles ivoiriennes se limite à la notation, sans véritable analyse des difficultés rencontrées par les élèves. Dans des classes souvent surchargées (80 à 120 élèves), il est difficile pour les enseignant·e·s de vérifier la compréhension après chaque leçon. « Quand un enfant obtient zéro, on n’a pas vraiment la possibilité de chercher à savoir pourquoi », explique Andjou Andjou, secrétaire général du SNEPPCI. Il continue en s’interrogant : « Si tu enseignes mais que tu n’arrives pas à évaluer si les élèves ont compris, tu enseignes pour quoi ? »
Le projet cercles d’apprentissage pilotés par les enseignant·e·s pour l’évaluation formative change cette logique en Côte d’Ivoire. Pendant 12 mois, 30 enseignant·e·s réparti·e·s dans trois groupes scolaires ont expérimenté l’évaluation formative, sous la supervision d’un enseignant-chercheur. Cette méthode favorise l’interaction entre élèves, la remédiation et l’apprentissage collaboratif. Les élèves échangent, posent des questions, et celle et ceux qui ont compris expliquent aux autres. Les enseignant·e·s, eux·elles, se retrouvent régulièrement pour partager leurs pratiques.

L’engouement du personnel enseignant a été immédiat, et les premiers résultats sont probants : une amélioration notable des acquis et des taux de réussite en fin du primaire. Le ministère de l’Éducation nationale s’est approprié le projet et a généralisé une innovation majeure : une heure hebdomadaire dédiée à la remédiation insérée dans l’emploi du temps de tou·te·s les enseignant·e·s en école primaire. Cette plage horaire permet au personnel enseignant de vérifier l’appropriation des leçons et d’accompagner les élèves en difficulté.
Ces observations sont prometteuses, même si les effectifs pléthoriques dans les salles de classe restent une limite importante à la généralisation de l’interaction enseignant·e/élèves sur l’ensemble de la semaine.
Un plaidoyer pour la formation continue
Fort de ce succès, le SNEPPCI plaide maintenant pour que le ministère mette en place un dispositif national de formation en cascade, via les inspecteur·trice·s, les conseiller·ère·s pédagogiques et les directeur·trice·s d’école primaire. Le syndicat poursuit ses discussions avec la Direction de la pédagogie pour que tou·te·s les enseignant·e·s bénéficient d’une formation similaire, et puissent ainsi tirer le meilleur profit de l’heure de remédiation à présent disponible dans leur emploi du temps.
Un accent mis sur la formation et la professionnalisation
Au-delà de la défense des droits, le SNEPPCI se distingue par son engagement en faveur de la formation professionnelle. « Avant d’être syndicalistes, nous sommes des enseignants et enseignantes », rappelle son dirigeant. Ainsi, depuis 2021, le SNEPPCI s’est doté d’un institut de formation pour assurer la formation aussi bien syndicale que pédagogique de ses membres. Dans le cadre de l’accomplissement de cette mission de formation, un programme d’activités est élaboré et mis en œuvre chaque année. Par exemple, pour l’année 2024, quatre activités principales étaient planifiées, à savoir la formation des directeur·trice·s d’école primaire, la démultiplication de l’évaluation formative, la formation des femmes et enfin la formation des jeunes.
Le syndicat propose ainsi des modules pédagogiques pour accompagner les enseignant·e·s dans leur progression de carrière, pour préparer les concours, et même pour former les directeur·trice·s d’école primaire – une responsabilité que les autorités n’assument pas.
Ces formations, financées par les ressources propres du syndicat et réservées aux membres cotisant·e·s, intègrent également des modules de formation syndicale. Cette approche positionne le SNEPPCI comme un acteur majeur assurant la qualité de l’éducation en Côte d’Ivoire.
L’expérience du SNEPPCI illustre la force des partenariats entre syndicats et organisations internationales pour améliorer l’éducation. En plaçant l’élève au centre du système éducatif et en investissant dans la formation du personnel enseignant, le syndicat contribue à bâtir un système éducatif plus équitable et performant, tout en se renforçant lui-même.