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Le Président sud-africain Ramaphosa : investir dans l’éducation renforce la résilience en temps de crise

Publié 22 novembre 2023 Mis à jour 22 décembre 2023

« C’est un réel privilège de m’adresser à cette 10e Conférence régionale africaine de l’Internationale de l’Éducation, en particulier parce qu’elle se concentre sur l’avenir de l’éducation sur notre continent et au-delà. Et le thème de votre conférence, ‘Ensemble pour des systèmes éducatifs résilients en temps de crise’, résonne parfaitement avec les différentes crises auxquelles les peuples du monde ont dû faire face ces derniers temps. » C’est ce qu’a souligné le président de la République d’Afrique du Sud, Matamela Cyril Ramaphosa, dans son discours d’ouverture.

Une conférence opportune qui appelle à l’unité, à la résilience et à la décolonisation dans l’éducation

Si une crise mondiale sort du lot — celle de la COVID — nous connaissons aussi plusieurs crises régionales, a-t-il déclaré. « Dans notre cas, en Afrique du Sud, nous avons commencé par devoir nous unir et travailler ensemble pour faire face à une crise de l’éducation due au système néfaste de l’apartheid. Il fallait une unité, et aussi une unité du système éducatif. »

Reconnaissant que son pays « a tenté et réussi à mettre en place un bien meilleur système éducatif », il a également noté qu’en Afrique du Sud, 6 % du PIB et près de 19 % des dépenses publiques sont consacrés à l’éducation, ce qui “est très élevé en termes de dépenses d’argent, pour essayer de résoudre la situation actuelle, le passé et l’avenir. Le dévouement à l’éducation est très fort dans notre système gouvernemental ».

« Le thème de votre conférence sonne très juste », a-t-il ajouté, car « dans de nombreuses parties du monde, sur notre propre continent, l’instabilité politique exige aussi de la résilience, car des coups d’État ont lieu à différents endroits sur notre continent. En ce moment même, des guerres font rage en Ukraine et en Russie, au Moyen-Orient, détruisant la vie de personnes innocentes ».

« Je me réjouis que les délibérations soient axées sur la manière dont vous pouvez tous rendre les systèmes éducatifs résistants à toutes ces crises », a également déclaré le dirigeant sud-africain, expliquant que « certaines crises sont liées au changement climatique, d’autres à des guerres, d’autres encore à des incidents terribles tels que des incendies et des inondations, qui perturbent la vie des gens. J’espère que vos délibérations déboucheront sur un certain nombre de stratégies et d’actions qui permettront aux nations du monde, et en particulier à notre continent, l’Afrique, de se frayer un chemin à travers tout cela. »

Il a également insisté sur le fait que la COVID a entraîné une crise d’une ampleur sans précédent, qui a eu un impact non seulement sur les moyens de subsistance des populations du monde, d’un point de vue sanitaire et économique, mais qui a également eu un impact négatif considérable sur l’éducation. « La résilience de nombre d’entre vous qui travaillez dans le domaine de l’enseignement et de l’éducation nous a permis de traverser cette crise », a-t-il admis.

M. Ramaphosa a poursuivi en soulignant que la pandémie a accéléré la transformation numérique dans un certain nombre de pays à travers le monde et a modifié les modèles de travail et d’éducation. « Elle a mis en évidence une fracture numérique de plus en plus prononcée. Si certains apprenants se sont rapidement adaptés à l’apprentissage en ligne, d’autres, en particulier celles et ceux issus de milieux défavorisés, ont rencontré de grandes difficultés, et notre continent peut en témoigner. Nous avons vu comment les élèves des communautés rurales et les élèves handicapés ont été touchés de manière disproportionnée par cette situation. L’interruption de la scolarité a clairement exacerbé les inégalités. »

Reconnaissant en outre que l’adaptation à un monde en mutation rapide est l’une des tâches les plus importantes du moment, il a insisté sur le fait que cela soulignait l’importance de la voix des éducateur·trice·s dans la recherche de solutions aux défis de l’éducation. « Nous sommes très heureux d’avoir des syndicats qui s’expriment et qui sont actifs dans notre pays. Les éducatrices et éducateurs jouent un rôle fondamental et irremplaçable dans le façonnement de nos sociétés. Leurs points de vue sont inestimables dans notre quête de solutions durables. »

S’exprimant sur la décolonisation de l’éducation, M. Ramaphosa a souligné que la colonisation est une crise dans laquelle de nombreux pays africains « ont été plongés par la force. La colonisation a eu un impact négatif considérable sur de nombreux pays de notre continent, et le processus de décolonisation de l’éducation est devenu de plus en plus important. »

Il a ajouté que le projet de décolonisation de l’éducation en Afrique n’est pas seulement une question d’intérêt académique, « à bien des égards, il s’agit d’un besoin pressant, et d’autres diraient que c’est une question de vie ou de mort, que nous devrions rationaliser notre système éducatif en le débarrassant de l’idéologie de type colonial qui a infecté notre système éducatif. Nous devons remettre en question les théories coloniales. »

Financer des systèmes d’enseignement public pour des sociétés durables et démocratiques

S’adressant également à la conférence, la Présidente de l’Internationale de l’Éducation, Susan Hopgood, a reconnu que « l’objectif de ces quelques jours est d’engager un dialogue, de réfléchir et d’apprendre les uns des autres, et de prévoir des moyens d’encourager nos membres à jouer un rôle actif dans la transformation de l’éducation en Afrique ».

Les problèmes auxquels vous êtes confrontés semblent très locaux, mais nous savons qu’ils sont régionaux et nous devons comprendre qu’ils sont également mondiaux, a-t-elle également déclaré. « J’ai le privilège de rendre visite à nos frères et sœurs des organisations membres dans de nombreuses régions du monde et je peux vous dire que nous sommes toutes et tous confrontés à des problèmes tels que l’insuffisance des investissements dans l’éducation, la privatisation croissante et la violation des droits des enseignantes et enseignants, la précarisation croissante de la profession, les questions de salaire, de pension et de sécurité sociale et les menaces existentielles qui pèsent sur la société civile, le secteur public, la démocratie et, en raison du changement climatique, les menaces qui pèsent sur les terres mêmes sur lesquelles nous vivons. »

Le pire de la crise de la COVID est peut-être passé, mais un type d’urgence différent et plus chronique persiste, a-t-elle également observé. « Il s’agit de la crise du secteur public, de la capacité des gouvernements à préserver et à promouvoir le bien commun et de la capacité des citoyennes et citoyens à demander des comptes à leurs gouvernements. »

Dans les objectifs de développement durable des Nations Unies, l’Objectif 4 (ODD 4) a été clairement défini pour « assurer une éducation inclusive et équitable de qualité et promouvoir les opportunités d’apprentissage tout au long de la vie pour toutes et tous », a-t-elle également rappelé. « Cet objectif a été clairement fixé mais, comme nous le savons, il n’a pas été atteint. Ce défi est particulièrement important en Afrique subsaharienne, où l’équivalent de quelque 97 milliards de dollars américains est nécessaire pour combler le déficit de financement de l’ODD 4. Selon l’UNESCO, sur les 44 millions d’enseignantes et enseignants qui seront nécessaires d’ici 2030, près de 11 millions sont des enseignantes et enseignants de l’enseignement secondaire qui seront nécessaires dans la seule Afrique subsaharienne. »

Où est l’argent ? a demandé la dirigeante de l’IE.

« Des milliards de dollars d’impôts non perçus empêchent des investissements responsables dans le bien public et dans des économies qui assurent une croissance durable et généralisée. À l’échelle mondiale, Action Aid nous apprend que les pertes de revenus annuelles dues à la manipulation fiscale des multinationales sont estimées à environ 600 milliards de dollars américains.

Les grandes entreprises et les particuliers fortunés utilisent le système financier pour spéculer et réaliser des profits à court terme, tout en augmentant les prix, en dissimulant des actifs et en sapant la collecte des recettes publiques.

Et même si les technologies éducatives à grande échelle restent largement non testées, non réglementées et non éprouvées, les systèmes scolaires, sans l’avis des enseignantes et enseignants, ont envoyé des milliards de dollars aux entreprises technologiques. »

Elle a donc souligné que « ce ne sont pas les ressources qui manquent pour financer l’enseignement public, mais la volonté politique de faire de l’éducation la priorité dont le monde a besoin. Nous devons veiller à ce que le financement public soit orienté vers le bien public, c’est-à-dire faire en sorte que chaque élève bénéficie d’un enseignant formé professionnellement, qualifié et bien soutenu, dans un environnement d’apprentissage de qualité. »

Rappelant qu’en septembre dernier, les Nations Unies ont fait face à ces faits et ont élevé l’éducation au rang de priorité mondiale, elle a également expliqué que, pour la toute première fois, un Groupe de haut niveau des Nations Unies a examiné le rôle des enseignant·e·s et le soutien dont ils ont besoin pour faire leur travail, y compris pour remédier à la pénurie mondiale d’enseignant·e·s, élever le professionnalisme des enseignant·e·s et l’importance du financement. « Il s’agit d’une percée. Votre message, notre message, sur les enseignantes et enseignants est à la tête du dialogue mondial sur l’éducation. Les enseignantes et enseignants doivent être soutenus, valorisés et payés à leur juste valeur, avec des charges et des conditions de travail qui favorisent le bien-être mental et physique, des salaires négociés compétitifs par rapport à ceux de professions comparables et la fin de l’embauche d’enseignantes et enseignants contractuels ou non qualifiés. »

Mme Hopgood a également déclaré que « nous parlons de durabilité — comme dans les objectifs de développement durable — avec un certain degré de révérence, comme s’il s’agissait davantage d’un espoir lointain que d’un avenir pratique. Mais la durabilité est un principe fondamental de notre syndicalisme et, à son tour, un principe fondamental de la démocratie. »

La 10e Conférence régionale africaine de l’Internationale de l’Éducation, dont le thème est « Ensemble pour des systèmes éducatifs résilients en temps de crise », se tiendra jusqu’au 24 novembre à Johannesburg, en Afrique du Sud. Elle rassemble plus de 400 responsables syndicaux de l’éducation de toute la région pour examiner les progrès réalisés et définir l’avenir de l’éducation et du mouvement syndical de l’éducation en Afrique.