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Liban : « La force du public : ensemble on fait école ! », des paroles aux actes

Publié 10 octobre 2025 Mis à jour 22 octobre 2025

S’appuyant sur les recommandations du Groupe de haut niveau des Nations Unies sur la profession enseignante (UNHLP, acronyme anglophone), le Consensus de Santiago et les récentes études portant sur l’économie politique de l’éducation au Liban, les organisations membres de l’Internationale de l’Éducation (IE) au Liban plaident, dans le cadre de la campagne « La force du public », en faveur d’une augmentation du financement durable de la profession enseignante et de l’enseignement public.

La recherche révèle un besoin urgent d’investissements dans l’éducation

Le 8 octobre 2025, à Beyrouth, a eu lieu la présentation d’une nouvelle étude soulignant les défis considérables auxquels fait face le secteur de l’éducation en raison d’investissements insuffisants dans ce domaine. Le lancement de cette étude donne le coup d’envoi de la phase II de la campagne de l’IE « La force du public : ensemble on fait école ! » au Liban. La première phase était centrée sur la sensibilisation et l’engagement en faveur des objectifs de la campagne, qui visent à accroître les investissements dans le corps enseignant et l’enseignement public dans chacune des sept provinces du pays.

L’étude confirme la nécessité d’augmenter considérablement le financement et d’investir de manière durable et systématique dans l’enseignement public.

Le rapport montre en outre que, bien que le financement de l’éducation en pourcentage du PIB ait augmenté pour atteindre environ 2,4 % – cette augmentation étant due principalement à la contraction économique –, les dépenses d’éducation au Liban ont été en chute libre, passant de 1,2 milliard USD par an entre 2013 et 2015 à 114 millions USD en 2022. Dans un contexte d’hyperinflation persistante, le niveau de financement reste largement insuffisant.

Il ressort également de l’étude qu’environ 70 % des enseignants et enseignantes sont employés dans le cadre de contrats temporaires ne donnant pas droit à des prestations sociales, avec un salaire compris entre 1 et 2 USD de l’heure, et ne sont souvent pas rémunérés pendant de longues périodes. Cette structure d’emploi dualiste, personnel enseignant contractuel et personnel enseignant permanent, est source d’un important mécontentement au sein de la profession.

Même avec les allocations, les revenus mensuels se situent entre 200 et 300 USD, ce qui est bien inférieur au seuil de survie de 450 à 500 USD, et inférieur au salaire de nombreux emplois non qualifiés.

Mise en place d’une commission nationale des enseignant·e·s

Prenant la parole devant l’assemblée des dirigeant·e·s syndicaux·ales à la suite de la présentation des conclusions de l’étude, la ministre de l’Éducation du Liban, S. Reema Karameh, a exprimé son engagement à mettre en place une Commission nationale des enseignant·e·s. Cette initiative marque une étape importante vers le dialogue social, l’élaboration concertée de politiques et l’amélioration des conditions de travail de la profession enseignante à travers le pays.

S. Reema Karameh, ministre de l’Éducation du Liban

Manal Hdaife, présidente de la structure transrégionale de l’Internationale de l’Éducation pour les pays arabes et membre du Groupe de haut niveau des Nations Unies, a salué l’engagement pris par la ministre Karameh : « Le fait de réunir tous les syndicats, le ministère des Finances et le cabinet du Premier ministre est une mesure cruciale et inclusive pour relever les défis urgents auxquels se trouve confronté notre corps enseignant. Cette initiative reflète la recommandation n° 5 du rapport du Groupe de haut niveau des Nations Unies sur la profession enseignante. Son importance ne saurait être surestimée. Nous attendons avec impatience de travailler en collaboration avec la ministre afin d’améliorer le statut et les conditions de travail des éducateurs et éducatrices à travers le Liban. »

Manal Hdaife, présidente de la structure transrégionale de l’Internationale de l’Éducation pour les pays arabes

Mme Hdaife a conclu en soulignant que le moment était venu de passer des paroles aux actes et d’investir de manière significative dans l’enseignement public.

Contexte

Depuis 2019, le système éducatif public libanais a été sérieusement mis à mal par une succession de crises, notamment l’effondrement économique, l’impasse politique, la pandémie de COVID-19, l’explosion du port de Beyrouth et la guerre menée par Israël en 2023-2024.

Ces crises ont lourdement affecté les salaires du personnel enseignant et la régularité des paiements dans les écoles publiques. De fait, les salaires des enseignant·e·s, en termes réels, sont tombés en dessous du seuil de subsistance, les paiements sont devenus irréguliers, alors que les mesures d’allègement, telles que les indemnités ad hoc de « productivité », étaient temporaires et incertaines.

La majorité des enseignant·e·s de l’enseignement public au Liban sont employé·e·s dans le cadre de contrats précaires offrant des prestations limitées, sans perspective d’emploi permanent. Les réformes en matière de recrutement et d’échelle salariale ont été reportées à plusieurs reprises. La faiblesse des capacités administratives, tant pour ce qui est des écoles que de la rémunération, la fragmentation des processus décisionnels et la forte dépendance à l’égard de l’aide extérieure compromettent encore davantage la prévisibilité et la stabilité des salaires.

Face à cette situation difficile, les enseignant·e·s font état d’un stress émotionnel important et de désespoir, ainsi que d’un sentiment d’abandon de la part des administrations scolaires et du ministère de l’Éducation, notamment sur le plan du soutien à la santé mentale et au bien-être.

Par ailleurs, le fait que les syndicats de l’éducation ne soient pas reconnus légalement au Liban compromet leur capacité à s’organiser et à militer pour de meilleures conditions de travail et de rémunération, et aggrave les difficultés auxquelles se heurte la profession enseignante.

Prochaines étapes basées sur les recommandations de l’étude

Grâce à la sensibilisation engendrée par cet événement, l’UNESCO et le ministère libanais de l’Éducation ont demandé à obtenir le rapport complet de l’étude. Par ailleurs, les syndicats de l’éducation du Liban sont en train de nouer des alliances au sein du parlement. Ainsi, trois jeunes député·e·s qui assistaient à la réunion du 8 octobre ont d’ores et déjà manifesté leur soutien à la campagne.

Les organisations membres de l’IE au Liban sont également à l’origine de la création d’une coalition syndicale pour le secteur public sous l’égide de la campagne « La force du public ». Cette coalition présente des revendications communes pour défendre le secteur public.